L'Expression: Comment doit se faire le financement de l'économie dorénavant? Yazid Benmouhoub: Nous devons pousser la réflexion sur la finance alternative et Dieu sait combien nous en avons besoin aujourd'hui. Nous sommes dans un contexte financier assez difficile. Il faut unir tous les moyens, solliciter l'ensemble des parties et améliorer le climat des affaires pour trouver des solutions. Nous croyons aussi dans ce qu'on appelle l'inclusion financière. Tout le monde doit avoir accès à des financements qui correspondent à sa vision et à sa croyance. On parle de la finance alternative, la finance islamique, de Fintech qui se développe un peu partout, le crowd funding... Il faut trouver le meilleur moyen d'adapter ces instruments pour le contexte algérien. La Bourse n'a pas joué son rôle parce qu'elle a souffert d'un effet d'éviction, il faut le dire, à une époque où il y avait beaucoup d'argent en circulation. Les pouvoirs publics avaient alors mis en place des mécanismes pour résorber toute cette liquidité en accordant des crédits bonifiés ce qui a encouragé les chefs d'entreprise de s'adresser à leurs banquiers plutôt qu'à la Bourse. La culture boursière était également déficiente aussi bien chez le citoyen que chez les entrepreneurs. Mais nous sommes convaincus aujourd'hui que la Bourse peut jouer un rôle déterminant de soutien à la croissance et, du même coup, alléger le fardeau que supporte le secteur bancaire. Il vaut mieux donc se mettre debout sur deux pieds que sur un seul. Le marché boursier a fait sa mue depuis 2011. Nous avons mis en place un marché pour la petite et moyenne entreprise et nous communiquons énormément pour les intéresser à se financer à travers la Bourse. Avons-nous les compétences techniques pour faire fonctionner un marché financier? Oui, Absolument. Toutes les introductions qui ont été faites jusqu'à présent ont été une réussite. Reste à savoir si les grandes IPO (Iintial public offering, ou entrées en Bourse en français, Ndlr) peuvent être satisfaites par le marché local. La question se pose. Mais le marché est suffisamment structuré sur le plan de la réglementation. Nous sommes en train d'acquérir un nouveau système de cotation qui permettra de fluidifier la liquidité au niveau de la Bourse. Nous mettons aussi régulièrement nos textes, au fur et à mesure que le projet avance. Quelle est la capitalisation de la Bourse d'Alger? Elle était de 15 milliards de dinars en 2015. Elle est passée à 45 milliards de dinars en 2016 avec l'introduction du titre Biopharm. L'objectif est d'arriver à une capitalisation de 10 milliards de dollars d'ici cinq à huit ans. 10 milliards de dollars ou de dinars? De dollars. Y aura-t-il une ouverture sur l'investissement étranger dans la Bourse d'Alger? C'est une question à poser à la Banque d'Algérie parce que cela obéit à la réglementation des changes et à d'autres dispositions. Mais, un jour ou l'autre, nous y serons obligés. Je prends l'exemple de la Tunisie qui, sans l'apport des investisseurs étrangers, sa Bourse aurait connu des difficultés. 60% de l'activité de la Bourse de Tunis provient aujourd'hui des investisseurs étrangers. Quelle est la capitalisation de la Bourse de Tunis? Elle est aux alentours de 8 milliards de dollars, mais elle est dominée par le secteur financier. Quant à la Bourse de Casablanca au Maroc, elle s'élève à environ 65 milliards de dollars dont 33% sont détenus par deux grandes entreprises Ettijariwafa Bank et El Maghribia Télécom. Cela présente-t-il un risque? Non. Nous aimerions avoir pour notre part dans notre portefeuille Mobilis par exemple, Ooredoo pourquoi pas? Nous espérons aussi l'introduction de sociétés du service bancaire. Je précise que, en 2013, le Conseil des participations avait donné son feu vert à l'entrée en Bourse du Crédit populaire d'Algérie, de la compagnie d'assurance Caar, de trois cimenteries et de Cosider. Nous sommes dans l'attente de telles sociétés.