Les partis de gauche, jadis ancrés dans les milieux ouvriers, n'ont plus les faveurs du prolétariat Les partis communistes et socialistes semblent, dans leur majorité, déphasés par rapport à la réalité politique du pays. On n'entend que faiblement leurs voix alors que le pays passe par une conjoncture économique difficile. La récente diatribe de Ahmed Ouyahia contre l'opposition a eu le mérite de rappeler l'absence d'une importante famille politique qui était très active même avant l'indépendance. La gauche marxiste-léniniste, en effet, semble avoir disparu de la scène ou, du moins, se terre dans le silence et vit dans la dispersion. A la différence du Parti des travailleurs et du Front des forces socialistes qui se réclament du même univers, mais qui se maintiennent, donnant parfois le change au gouvernement, les communistes ne s'expriment presque plus ou faiblement. Le Mouvement démocratique et social, dérivé d'Et-Tahaddi l'héritier éphémère du Parti de l'avant-garde socialiste, lui-même descendant du Parti communiste algérien n'apporte même plus de soutien critique comme il en avait l'habitude sous feu Houari Boumediene. La faiblesse de son ancrage populaire et l'incongruité de ses choix depuis plus d'une vingtaine d'années avec ses principes fondamentaux ont fini par le miner. Hormis le parti de Louisa Hanoune, la mouvance trotskiste membre de la IVe Internationale a été, elle aussi, laminée par les luttes intestines et par son inadaptation à la réalité sociopolitique qui a accompagné l'ascension des islamistes à partir des années 1980. Ainsi, on n'entend plus parler du Parti socialiste des travailleurs natif de l'éclatement du Groupe communiste révolutionnaire, ni des groupuscules situationnistes ou maoïstes qui animaient les lycées et les universités. Plus généralement, c'est la pensée de gauche qui n'arrive plus à produire d'effet sur l'opinion. La chute du mur de Berlin et les anathèmes qui l'ont visée de la part des tenants de l'idéologie théocratiques lui ont été finalement fatals. Toutefois, selon un partisan communiste actif, un rassemblement est en train de naître sur les décombres des vieilles structures. Des anciens cadres et militants du Pags historique appuyés par des intellectuels venus de divers horizons seraient sur le point de fourbir la faucille, de déterrer le marteau et de déplier les étendards du marxisme pour bientôt les déployer. «Fini le soutien critique et les concessions, dit-il sur un ton déterminé. Nous allons renouer avec la lutte, avec les masses, dénoncer l'impérialisme et la bourgeoisie compradore, quitte à subir la répression». Selon lui, les erreurs et les échecs du passé ont été méditées. Ils serviront, explique-t-il, de repères «pour reconstruire une nouvelle identité politique et adopter de nouvelles façons d'agir». Ce gros discours peut paraître déphasé par rapport à la réalité actuelle. La faconde ouvrière, les fronts populaires et les rassemblements pour l'émancipation du prolétariat dégagent des parfums surannés. Cependant, l'effacement de cette culture et son remplacement par la terminologie théologique a appauvri la linguistique politique algérienne. Néanmoins, les traces de cette grammaire persistent même dans la littérature des autorités qui ne se sont pas encore départies d'un langage socialiste. Ainsi, lorsque Ouyahia parle de son plan d'action, il met en avant les réalisations accomplies au profit du peuple. En parlant des recettes engrangées les années fastes, il affirme que «le citoyen algérien sait où sont ces milliards, car ils sont dépensés dans les logements, les routes, les barrages, les postes d'emploi Le logement, les hôpitaux». Il ajoute, comme pour parer à un éventuel tir de barrage à la future loi de finances, que celle-ci «renforcera l'investissement public, dégèlera beaucoup de projets.» Aucun mot, en revanche, sur l'austérité, sur les hausses des prix et des taxes, ni sur les risques d'inflation. Il sait que, même sous le vernis du fatalisme religieux, les Algériens demeurent farouchement attachés à la justice sociale et à la rationalité dans la gestion des affaires de l'Etat. Il n'y a qu'à voir avec quels prudents calculs, il a composé la coalition qui l'entoure. Celle-ci va du nationaliste Front de Libération nationale, au Mouvement populaire algérien qui, lui, dégage une odeur de droite laïque, en passant par le Tajamou amel el Djazaïr, une formation un peu islamiste, un peu libérale. Le RND est, pour sa part, plutôt du centre tantôt à droite, tantôt à gauche. Que reste-t-il donc à la gauche pour naviguer parmi tous les récifs politiques de l'Algérie en 2017? Un esprit logique et réaliste répondrait: rien si ce n'est une reconversion dans le combat écologique qui, paradoxalement, ne trouve aucun preneur.