Réduire au maximum les importations tel est l'objectif du gouvernement L'angoisse des perspectives économiques est en train d'imprimer un train d'enfer à l'Exécutif et à ses partenaires pour trouver des solutions à la crise. L'université d'été du FCE a été un puissant révélateur de cette recherche frénétique de la panacée. L'argent comme nerf de la guerre n'a jamais été une expression aussi vraie qu'en ce moment en Algérie. Depuis des semaines, le gouvernement, les patrons, la Centrale syndicale sont tous au front et tirent dans le même sens pour trouver la solution miracle à la déconfiture économique qui dure depuis 2014. En affirmant qu'il a évité au pays un arrêt cardiaque, Ahmed Ouyahia a donné à l'opinion publique, aux entrepreneurs et partenaires étrangers l'image qui leur manquait pour mesurer la gravité de la situation. En urgentiste, le Premier ministre a prescrit, dès son installation, un remède de cheval pour juguler la forte grippe qui affecte la roue de la fortune nationale. Au lieu de s'endetter pour assouvir l'appétit monétaire vorace des producteurs, des consommateurs et maintenir les dépenses de l'Etat en phase avec les besoins sociaux, il a opté pour le financement non conventionnel. Ce traitement risqué dans lequel les critiques croient voir une déformation sophistiquée de la planche à billets doit être sévèrement maîtrisé si l'on veut éviter des effets secondaires indésirables et une complication dénommée hyper-inflation. «Nous donnons rendez-vous dès le premier trimestre 2018 à nos contradicteurs» s'était limité à répondre aux voix inquiètes qui lui avaient fait part de leurs soucis lors du premier jour de l'université d'été du FCE. Ce «wait and see» s'accompagne, toutefois, d'une émouvante frénésie qui vise à remplir, coûte que coûte, la tirelire en vue d'en faire une machine pourvoyeuse de sous à l'appareil de production. La première réaction, celle de la fourmi économe de Jean de La fontaine, consiste à réduire drastiquement les dépenses superflues. Un garrot est donc hâtivement posé sur les veines qui transportent sans retour vers l'extérieur les dollars, les euros et les autres devises sonnantes et trébuchantes. L'arrêt de l'hémorragie, même s'il ne provoque pas le rétablissement du malade, permet au moins de le garder faiblement en vie en attendant sa reprise de force. C'est le ministre du Commerce qui est chargé de cette opération et il a d'emblée annoncé la conduite à tenir pour sauver son patient. Protectionnisme Selon Mustapha Benmeradi «des mesures de sauvegarde volontaristes» seront bientôt adoptées pour stopper la fièvre acheteuse et réduire la facture des importations. Celles-ci doivent passer «de 40 à 41 milliards de dollars en 2017 et à 30 milliards de dollars en 2018» a-t-il estimé. Comment? Eh bien par «un relèvement des droits de douanes (...) et rétablissement de la taxe intérieure de consommation sur certains produits finis importés». Il faudra ensuite contingenter d'autres groupes de marchandises «qui pèsent lourdement sur la balance commerciale». En tête de liste, une vingtaine de produits qui représentent 50% des importations algériennes depuis 10 ans. Lesquels? Benmeradi ne les a pas désignés. L'autre protocole à suivre exige «la protection de la production nationale». Pour ce faire, un registre de doléances est déjà ouvert au niveau du ministère du Commerce pour recenser les requêtes de protection formulées par les opérateurs économiques. Mais attention! Les décisions ne seront pas prises sur la foi de simples paroles. Des enquêtes seront menées pour évaluer la capacité des demandeurs à approvisionner le marché en quantité, en qualité, en prix et suivant les critères de compétitivité. Le ministre a d'autre part diagnostiqué un syndrome national qu'il a qualifié de «paradoxe algérien». Ce trouble se traduit, selon lui, par le traitement indifférencié des importations et des exportations alors que la logique voudrait que c'est aux premières de satisfaire la demande intérieure pour ne laisser aux secondes qu'un rôle d'appoint. Il a ainsi regretté que, par exemple, l'agroalimentaire made in Algeria qui comblait 83% des besoins locaux en 2000 a chuté à 65% en 2015. La même période a vu aussi la contraction des matériaux de construction de 70% à 60%. Fièvre financière Comme on ne peut plus agir sur le passé, mais seulement en tirer des enseignements, l'heure est aujourd'hui au pragmatisme monétaire. La mission de trouver de l'argent, ce sérum indispensable à injecter au plus vite dans le grand corps malade de l'économie algérienne pour la ranimer, incombe à Abderrahmane Raouïa, le ministre des Finances. Son secteur brûle d'ailleurs d'une fièvre créative qui cherche activement à mettre au point la potion magique financière en dehors des fluctuations du baril de pétrole. Toutes les formules sont aujourd'hui envisageables. La technologie financière, la Bourse, les montages complexes; tout sauf l'endettement extérieur explicitement et définitivement prohibé par le président de la République. Le secteur bancaire public a déjà répondu positivement à cette thérapie puisque, à l'instar des banques Al Baraka, Al Salam, la Trust ou encore AGB, trois de ses institutions se lanceront bientôt dans la finance islamique. La Caisse nationale d'épargne et de prévoyance, la Banque du développement local et la Banque algérienne de développement rural proposeront ces produits sans intérêts usuraires dès la fin de l'année. «Quatre autres banques commerciales suivront durant 2018», a annoncé le ministre. C'est une révolution. Elle devrait conquérir les citoyens réfractaires au taux d'intérêt, considéré par eux comme illicite, et les encourager à sortir leur épargne des bas de laine pour les confier aux établissements financiers. Reste maintenant aux patrons qui étaient réunis jusqu'à hier dans l'université d'été du Forum des chefs d'entreprises de faire bon usage des fonds ainsi ramassés puis distribués en crédits d'investissements. Plus qu'au gouvernement qui a déjà annoncé l'intention de l'Etat de se retirer de la sphère économique, c'est à eux qu'échoit la réussite ou l'échec de la stratégie économique algérienne. Diversifier l'économie, réduire sa dépendance aux importations, investir les marchés extérieurs, innover, créer de l'emploi et enrichir les caisses de l'Etat relèvera de leur responsabilité. C'est donc une nouvelle économie politique ou un «New Deal» pour parler en américain qui est en train de redessiner le paysage des affaires dont dépendra l'épanouissement et la stabilité de l'Algérie.