Si l'Algérie a le pétrole, le Maroc a du haschisch Abdelkader Messahel n'a fait que répéter des vérités, connues, mais tues. En disant tout haut ce qui se répétait de bouche à oreille, le ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, a-t-il provoqué une crise diplomatique entre Alger et Rabat? Du côté d'Alger, il s'agit d'une «tempête dans un verre d'eau», mais pour le Makhzen, les propos sont «gravissimes». Pourtant, les propos du chef de la diplomatie algérienne devant les entrepreneurs du FCE, vendredi dernier, sur les liens entre les institutions bancaires marocaines et le blanchiment de l'argent de la drogue ne sont pas le fruit de son imagination. Il s'agit de confidences de chefs d'Etat africains comme l'a d'ailleurs clairement révélé Abdelkader Messahel en affirmant «il y a des dirigeants africains qui le reconnaissent (...) Royal Air Maroc transporte autre chose que des passagers» et d'enfoncer le clou en ajoutant «les banques marocaines en Afrique sont utilisées dans le blanchiment des revenus de la vente du haschisch». La réaction du Makhzen ne s'est pas fait attendre. Les autorités marocaines ont convoqué le chargé d'affaires algérien à Rabat et exigé des explications «suite aux déclarations gravissimes» du ministres des AE dont le caractère a été qualifié d'«irresponsable», voire «enfantin» par un communiqué du ministère des Affaires étrangères marocain. L'ambassadeur du royaume du Maroc à Alger a été également convoqué pour consultations. Les déclarations de Abdelkader Messahel sont peut-être «gravissimes», mais loin d'avoir un caractère «enfantin». L'homme est connu pour être un illustre diplomate, avisé, impassible et ayant l'art du langage. Ce qu'il a déclaré et il en a pleinement conscience, n'est qu'une répétition de propos tenus par des chefs d'Etat africains et de faits avérés établis par des rapports onusiens. Faut-il rappeler à ce sujet que le dernier rapport de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) a maintenu le Maroc en 2015 comme le premier pourvoyeur et producteur de résine de cannabis au monde, alimentant essentiellement les réseaux de trafic de drogue en Europe et en Afrique du Nord. Le Maroc a confirmé sa place de premier producteur mondial de résine de cannabis des surfaces cultivées en résine de cannabis de près de 50.000 hectares. Et il faut se poser là une première question: l'Etat marocain peut-il ignorer l'existence de cette production à grande échelle avec autant de cultures en plein air? Pour y répondre, il y a lieu de rappeler le dernier scandale, relayé par la presse étrangère, et évoquant l'implication du roi Mohammed VI dans le blanchiment d'argent de la drogue. Cette implication a été justifiée à la suite de la découverte par la police marseillaise en 2016, d'un vaste réseau de blanchiment de l'argent de la drogue produite au Maroc et vendue à travers le monde. Les fonds engrangés par le trafic de cannabis étaient blanchis via la structure financière Attijariwafa Bank - un groupe marocain, basé au Maroc et qui opère dans 23 pays en Afrique et en Europe-. Et c'est le travail de fourmi des enquêteurs qui a permis de remonter la filière aux ramifications importantes et dont le quartier général se situerait au sommet de l'Etat marocain. Un représentant du ministère public avait annoncé à l'époque, le chiffre faramineux de 400 millions d'euros qui ont été blanchis sur ces quatre dernières années. Rappelons aussi les célèbres révélations de WikiLeaks en 2010 faisant état des «relations du régime de Mohammed VI avec la mafia de la drogue». WikiLeaks avait alors rendu public un rapport de l'ambassade U.S à Rabat évoquant l'implication du régime marocain dans les opérations de soutien aux activités des trafiquants de drogue, soit en fermant l'oeil sur les activités de ceux-ci, soit en s'attaquant aux éléments des services de sécurité qui luttent contre la contrebande de la drogue. Un autre rapport publié par WikiLeaks a souligné que «les pratiques de corruption existaient durant le règne de Hassan II. Elles se sont institutionnalisées avec le roi Mohammed VI.» Citant un télégramme diplomatique datant de 2008, WikiLeaks a évoqué la corruption qui gangrène l'armée marocaine. On peut y lire «l'armée marocaine souffre de corruption, de bureaucratie, de la baisse du niveau d'instruction des officiers et de la menace permanente de l'extrémisme de certains éléments». Outre la drogue et la corruption, le Maroc est un pays qui sombre dans l'enfer du tourisme sexuel et la traite humaine et cela de l'aveu même des Marocains. En 2011, le mouvement du 20 février qui luttait pour plus de liberté avait demandé au roi d'inscrire dans la future réforme constitutionnelle l'interdiction du tourisme sexuel au Maroc, pédophilie incluse. Enfin et après une démonstration par l'absurde que Abdelkader Messahel n'a fait que répéter des vérités, connues mais tues, une deuxième et dernière question s'impose: que cherche réellement le Royaume en poussant à l'escalade avec l'Algérie?