L'appel au peuple pour occuper la rue risque de mener le pays vers le chaos et l'Algérien est loin d'aspirer à une démocratie sur fond de violence. Il espère, après son vote massif pour la Charte pour la paix et la Réconciliation nationale, ne jamais revivre l'expérience de la décennie noire. Louisa Hanoune, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), dont le patriotisme et l'engagement politique ne sont plus à prouver, a clairement pris position contre «toute initiative qui peut déstabiliser le pays ou ouvrir la porte au chaos et à l'ingérence étrangère». La redoutable oratrice, qui a réussi à s'imposer sur la scène politique va jusqu'à avertir que le PT «se dressera avec sa base militante» contre ceux qui appellent à un soulèvement. Des personnes qui «veulent être propulsées (au pouvoir) sur le dos des chars», a ajouté l'opposante de gauche. Hostile aux appels à l'application de l'article 102 de la Constitution (relatif à l'empêchement du président de la République pour cause d'incapacité à assumer ses charges), à l'intervention de l'armée dans le cadre d'une transition politique et aux interventions étrangères, Louisa Hanoune, qui affiche les positions de son parti, sans gêne aucune, confirme, encore une fois, son attachement à la préservation de l'unité et à la stabilité du pays. La malheureuse candidate de l'élection présidentielle de 2004 qui refuse la politique de la chaise vide reste convaincue que l'instauration d'une vraie démocratie passe par les voies légales. Elle soutient que les appels à la population pour sortir dans la rue, soulèvent moult interrogations. Et elle n'a pas tort. La secrétaire générale du PT s'interroge donc, sans l'exprimer clairement, si l'Algérie est un Etat de droit qui respecte la souveraineté du peuple et son choix d'avoir élu, pour un 4e mandat, le président Abdelaziz Bouteflika. «Nous sommes un parti légaliste et nous nous battons pour le respect de la souveraineté du peuple. Si le peuple veut révoquer, que cela se fasse sur le terrain de la démocratie. Mais sinon, ça devient un putsch», a dit Louisa Hanoune qui vient de donner clairement un nom à la démarche suivie par une partie de l'opposition qui, il faut le dire, appelle à la révolte et au putsch. Cette «étrange» démarche, comme la qualifie Mme Hanoune, est-elle dans l'intérêt du pays? Figure-t-elle dans les aspirations du peuple algérien? L'appel au peuple pour occuper la rue risque de mener le pays vers le chaos et l'Algérien est loin d'aspirer à une démocratie sur fond de violence. Ce refus, le peuple l'a déjà exprimé clairement en restant à l'écart des révolutions arabes. Il espère, après son vote massif pour la Charte de Réconciliation nationale, ne jamais revivre l'expérience de la décennie noire. Et pour preuve, le peuple a choisi «El Mousalaha» sans qu'il ne soit arrivé, réellement, à tourner la page sanglante du terrorisme dont les stigmates restent gravés dans la mémoire collective. Aujourd'hui, même si l'Algérien rejette la «chose» politique, boude les élections et affiche sa défiance dans le discours officiel, il n'en demeure pas moins, que ce dernier aspire à une démocratie qui se concocte dans les institutions officielles, comme cela se passe ailleurs, sous d'autres cieux. Mais l'avis du peuple ne semble pas intéresser ceux qui appellent au chaos. Des partis de l'opposition, des acteurs politiques et de la société civile ainsi que certaines voix d'«intellectuels» animent la scène et cherchent à mobiliser l'opinion publique autour de l'article 102. Mais pas seulement. Ces derniers lancent également un appel à l'intervention de l'Armée nationale populaire. Ce qui équivaut à faire impliquer une institution censée respecter l'ordre constitutionnel, dans le jeu politique après en avoir été écartée. Il y a lieu de citer les propos du premier responsable de Jil Jadid, Soufiane Djilali, partisan invétéré de l'application de l'article 102 de la Constitution, qui soutient que «devant l'effondrement des institutions, l'armée reste le dernier recours pour la résolution de la grave crise que traverse le pays» ou encore ceux de Noureddine Boukrouh et des trois personnalités signataires d'une déclaration récente qui, dans leur appel, se sont contentés d'appeler l'ANP à ne pas voler au secours du pouvoir et d'accompagner le changement. Et il est à se demander comment ceux qui n'ont eu de cesse de dénoncer l'accès au pouvoir par les chars, en viennent, aujourd'hui, à souhaiter un putsch pour déposer le chef de l'Etat? La démocratie peut-elle naître à la suite d'un putsch? Une démarche qui n'est pas très démocratique et ne peut garantir, donc, la transition souhaitée. Du côté des partis islamistes, l'appel est beaucoup plus pernicieux. C'est le cas de le dire pour l'ex-chef du MSP, Abderrezak Makri qui, dans un entretien au journal arabe A-Quds al-Arabi, paru samedi dernier, a certes affiché d'emblée son opposition à la démarche de Noureddine Boukrouh et de tous les partisans de l'article 102 de la Constitution, mais non sans glisser: «Si l'Algérie s'effondre, nous serons là, avec d'autres, pour encadrer la situation.» Entendre bien évidemment, encadrer la révolte. Ces partis de l'opposition semblent «jouer» une mélodie sur laquelle le peuple ne dansera pas.