Tout le monde, y compris les villageois, savaient qu'un jour ou l'autre, le jeune dépressif allait commettre un acte irréparable. Le village de Boudjima vient de vivre un drame. Un père de famille a été mortellement poignardé par son voisin dépressif. La victime a succombé à ses blessures à la tête après 48 heures de coma. L'agresseur, malade, lui, est actuellement dans un lieu inconnu des villageois. Ce drame qui a endeuillé une famille pose en fait un sérieux problème d'ordre public. Car, l'agresseur est aussi, à maints égards, une victime. Malade, dépressif, violent quand il est malade, son acte mortel n'est pas de son exclusive responsabilité. D'où justement, l'implication inéluctable d'autres parties, personnes ou institutions, qui pouvaient, si elles avaient à leur portée des instruments juridiques, intervenir avant que le drame ne survienne. Mais le drame est survenu et le jeune père de famille est mort laissant derrière lui un enfant de moins de deux ans et une veuve. Toute une famille tombée brusquement dans le deuil. Cet acte soulève en effet des interrogations. Pouvait-on éviter ce drame? A bien restituer le fil de l'histoire depuis le début, l'on s'aperçoit que tout le monde, y compris les villageois, savait qu'un jour ou l'autre, le jeune dépressif allait commettre un acte irréparable. Il est malade et quand il est malade, il est violent. S'il est inconscient, selon le rapport de son médecin, le jeune même juridiquement redevable, n'est-il pas lui aussi victime de sa maladie et de son entourage? Après ce drame, il convient surtout de faire en sorte que cela ne se reproduise plus. Un malade a droit à la protection même contre lui-même. L'article 47 du Code pénal algérien stipule, selon les experts, qu'en cas d'homicide pathologique commis par un malade mental ce dernier sera mis sous mandat de dépôt pour faire l'objet d'une expertise psychiatrique. L'expert établit, à base de son analyse du patient, un rapport d'expertise où il précise si le prévenu jouissait ou ne jouissait pas de ses facultés mentales au moment des faits. Si le malade obtient le droit de bénéficier des dispositions de cet article, il sera transféré toujours selon l'article 47 du Code pénal, à l'EHS Frantz Fanon de Blida en placement judiciaire où il est soumis à des soins psychiatriques appropriés. Cette loi n'a pas protégé le père de famille de la mort ni même protégé l'agresseur de sa maladie. Le juriste ici intervient après l'acte irréparable. Mais, est-ce pour autant que le champ des responsabilités se ferme. Bien avant que le drame ne survienne, le jeune a déjà des précédents qui indiquaient sans nul doute qu'un jour un drame survient. En fait, il y a plus d'une année, le jeune malade a agressé un infirmier à l'intérieur de la polyclinique de Boudjima. Gravement blessé à la tête et au bras à l'aide d'une barre de fer, la victime passera un long séjour à l'hôpital. L'infirmier portera l'affaire en justice, mais il n'obtiendra pas gain de cause car l'agresseur ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales lorsqu'il a commis l'acte. Le juge le déclarera innocent. Une année plus tard, le jeune malade agressera un élu à l'APC de Boudjima à l'intérieur de son bureau dans l'enceinte de la mairie. Plusieurs employés seront également agressés pour avoir voulu protéger l'élu. Une année plus tard, l'irréparable survient. Un jeune père de famille, propriétaire d'une pharmacie au chef-lieu, a succombé à ses blessures au poignard, reçues au niveau de la tête. C'est le même jeune qui a commis l'acte, mais cette fois-ci, irréparable. Enfin, le drame, au-delà de la famille qu'il a endeuillée, pose un grand nombre de questions qui restent hélas, sans réponses. Du point de vue juridique, y avait-il une institution qui pouvait intervenir avant l'acte? Une interrogation qui ne dissipe pas pour autant les autres concernant d'autres parties qui n'ont rien fait pour protéger le malade de sa violence pathologique. La seule réponse a été apportée par la veuve de la victime lors d'un rassemblement organisé au chef-lieu pour dénoncer ce laisser-aller lors de sa prise de parole. Pour elle, en fait, tous ceux qui pouvaient agir, lorsque l'infirmier a été agressé dans la polyclinique et lorsque l'élu a été agressé dans son bureau, portent au moins une responsabilité morale dans le drame.