Rencontré au stand des éditions Barzakh sis au Pavillon central du Salon international du livre d'Alger, l'écrivain-journaliste Adlène Meddi a accepté volontiers et avec une grande amabilité de nous parler de son tout dernier roman intitulé tout simplement «1994». Un clin d'oeil à peine voilé à «1984», le célèbre roman de George Orwell. Sauf que dans le cas de Adlène Meddi, il ne s'agit point d'un roman d'anticipation mais plutôt d'un roman qui revient sur une page noire, triste et douloureuse de notre histoire récente. Celle des années rouges. Adlène Meddi, riche d'une longue expérience dans le métier de journaliste qu'il a exercé particulièrement dans la capitale Alger, a donc un subconscient qui fourmille d'éléments pouvant constituer la matière première d'un roman qui décrirait ces années difficiles et tragiques. Cette matière première ne suffit pas bien sûr. Car encore faudrait-il avoir le talent de romancier, la passion et encore la patience de noircir des centaines de pages, sans tomber dans la redondance. C'est à cette entreprise que s'est adonné Adlène Meddi dont le roman «1994» peut être considéré comme une page d'histoire romancée. Mais pas que ça, car nous dira Adlène Meddi, le romancier n'est pas du tout un historien. Il ne faut pas confondre entre les deux genres. De quoi s'agit-il dans ce nouveau roman de Adlène Meddi? «1994 est un roman qui retrace le vécu pendant la période violente qu'a traversée l'Algérie et plus particulièrement le quartier d'El Harrach où j'ai personnellement vécu», nous confie l'écrivain, auteur également de «La prière du maure», «Le casse-tête turc» et «Jours tranquilles à Alger». Notre interlocuteur confirme que le roman «1994» comprend des éléments autobiographiques. «La trame du roman concerne un meurtre qui se produit dans le quartier en question. Un crime mystérieux; les citoyens ne savent pas pourquoi ni comment ce meurtre a été commis», ajoute Adlène Meddi. On trouve des éléments de réponse au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture du roman, ajoute notre interlocuteur. Le même roman comprend aussi l'histoire d'un personnage qui est officier des services de renseignement. Ceci permet d'avoir un autre aperçu sur la période du terrorisme avec un nouveau regard; celui de l'intérieur. En mettant en avant un groupe de jeunes adolescents et en narrant leurs journées quotidiennes dans un contexte de violence, Adlène Meddi décrit cette période très sensible marquée par un climat de terreur absolue. Une autre question à Adlène Meddi concernant ce titre qui correspond à une année au lieu des titres habituels métaphoriques, résumant d'une certaine manière le contenu du roman. Adlène Meddi répond: «Je voulais rester fidèle à la tradition du roman noir qui veut qu'en général un titre doit être choisi pour frapper les esprits. Ce titre a pour but de sortir un peu de la littérature dite blanche. Pour moi, en donnant cette année-là comme titre suffit pour refléter tout ce qui est contenu dans ce roman». Où s'arrête la liberté d'un romancier en mettant en avant une période de l'histoire de notre pays? A-t-on le droit de pervertir des vérités historiques au nom de la liberté d'expression de l'écrivain? Adlène Meddi répond que dans tout ça, la limite réside en fait dans l'honnêteté de l'écrivain et du romancier. «Si on écrit sur une période donnée de l'histoire d'un pays, on doit respecter un minimum de véracité des faits. Par exemple, en écrivant sur la guerre d'indépendance, je ne dirais pas que ce sont les Italiens qui nous ont colonisé», souligne Adlène Meddi. Quant au risque de chevauchement entre les styles journalistique et romanesque, quand un journaliste écrit des fictions, Adlène Meddi répond d'emblée que le journalisme et la littérature sont deux univers complètement distincts. «Quand j'écris mes romans, je fais tout le temps attention à ne pas confondre les deux styles», confie Adlène Meddi. La pratique du journalisme est d'ailleurs un vrai obstacle pour l'écriture de roman. Il s'agit d'un combat quotidien pour trouver du temps à consacrer au roman car, quand on est journaliste en Algérie, on est obligé d'écrire tout le temps, étaye notre interlocuteur qui précise, pour illustrer ses dires, que son roman «1994» a nécessité plus de huit ans de travail puisqu'il l'avait entamé en 2009. «Mais j'ai la chance d'avoir un éditeur professionnel. Barzakh est un vrai éditeur, ce n'est pas un simple imprimeur. Ensemble nous avons passé de longs mois à fignoler le manuscrit pour arriver enfin à cette version finale qui a satisfait tout le monde», ajoute Adlène Meddi. Ce dernier précise en revanche qu'il y a vraiment des atouts à être journaliste, car il a pu se retrouver dans des endroits, dans des situations et avec des gens où il a eu accès à une matière première importante pour écrire ce roman. «J'ai vécu des événements en direct et j'ai pu discuter aussi bien avec des acteurs qu'avec des victimes. C'est une opportunité que d'avoir ainsi des éléments de base pour la rédaction d'un roman», conclut Adlène Meddi.