Pour Abane, la révolution a besoin de l'union de tous pour faire face à la France Outre l'obsession de fédérer les rangs des Algériens, Abane avait une autre obsession, à savoir celle de créer des institutions pour la Révolution algérienne. La révolution doit être aussi celle des institutions. Soixante-ans après sa disparition, le combat et le parcours de Abane Ramdane font encore parler d'eux. Le forum qu'a organisé hier l'association Mechaal Echahid et le journal El Moudjahid à sa mémoire, a été une occasion pour les présents de se remémorer la grandeur de cet homme. En présence d'une assistance nombreuse composée des proches de Abane, des moudjahidine et des étudiants, le chercheur en histoire Sadek Bekkouche, le compagnon d'arme de Abane Ramdane, Tahar Gaïd et le moudjahid Lakhdar Bouregaâ, sont revenus tour à tour sur bien des aspects de la vie de l'enfant prodige de Azzouza. Invité en premier à la tribune, le chercheur Sadek Bekkouche est revenu sur la naissance, la scolarité et l'engagement de Abane Ramdane, à la fois dans le parti du PPA, l'OS et la révolution. Passant en revue rapidement sa biographie, le conférencier s'est arrêté pour parler de l'engagement précoce de Abane et son emprisonnement. Abane Ramdane qui décroche haut la main son bac en 1940, série mathématiques, a décidé d'arrêter ses études au profit de la vie active, afin de subvenir aux besoins de sa famille. C'est ainsi que Abane s'est vu muter dans la commune mixte de Chelghoum Laïd en tant que secrétaire général, a indiqué le conférencier. Abane Ramdane qui a pris conscience précocement de l'injustice que subissait le peuple algérien, a rejoint dès l'année 1943 le Parti du peuple algérien (PPA) et milité en son sein. Au lendemain de la création de l'Organisation secrète (l'OS), le militant Abane Ramdane n' a pas hésité à faire partie des militants de cette organisation dans l'Est algérien. Très actif, Abane Ramdane, s'est vu arrêter en 1950 au lendemain du démantèlement de cette organisation, a poursuivi le conférencier. Il a été condamné à 5 ans de prison ferme en France. Pour dénoncer son incarcération, Abane Ramadane n'a pas cessé d'observer des grèves de la faim. Pour oublier sa peine, il s'est mis à lire tous les ouvrages que contenait la bibliothèque de la prison. Il a lu, selon Sadek Bekkouche, quelque 3000 ouvrages. Sorti de prison en janvier 1955, Abane Ramdane a rejoint à son arrivée à Alger directement les rangs de la révolution. Ami proche des responsables de la révolution, Abane Ramdane s'est vu désigner comme conseiller politique au niveau de la capitale. Le militant aurait pu demander à être envoyé au Caire ou à Tunis comme d'autres l'ont fait, fera observer Saddek Bekkouche, mais Abane ne l'a pas fait, car, il savait, explique l'invité d'El Moudjahid, que la révolution se déroulait à l'intérieur du pays et non pas à l'extérieur. En s'occupant de sa mission, l'enfant de Azzouza s'est mis aussitôt à fédérer les rangs des Algériens dispatchés dans des organisations et des partis politiques. Pour Abane, la révolution a besoin de l'union de tous pour faire face à la France. Doué en communication Abane Ramdane, a pu convaincre dans un premier temps les militants du l'Udma, ensuite l'association des Ouléma musulmans. Il a contacté aussi, fera savoir le conférencier, Messali El Hadj et Ferhat Abbas. Outre l'obsession de fédérer les rangs des Algériens, Abane avait une autre obsession, à savoir de créer des institutions pour la Révolution algérienne. La révolution doit être aussi celle des institutions, répétait Abane, souligne l'historien. Cédant la parole ensuite à Tahar Gaïd, le compagnon de Abane Ramdane, ce dernier a indiqué que c'est dans cet esprit que Abane a créé l'Union générale des travailleurs algériens (Ugta) et celui des commerçants et des artisans(Ugca). Tahar Gaïd qui est revenu sur les circonstances dans lesquelles s'est tenu le congrès de la Soummam, en reconnaissant la paternité de ce congrès à Abane, a fait savoir que Abane n'était pas comme ça plaît à certains de le décrire en tant que dictateur. «Il était certes rigoureux, mais il aimait écouter et concertait tout le monde dans les réunions». Abane était par contre convaincu durant tout son parcours de deux choses, soulignera en outre son compagnon. «Il était sans concession pour la primauté de l'intérieur sur l'extérieur et du politique sur le militaire.» Il n'avait pas horreur des militaires, signifiera Tahar Gaïd, mais il a toujours pensé que le rôle de ces derniers est davantage efficace sur le front du combat. Intervenant de son côté, Lakhdar Bouregaâ a, après avoir pris le soin de préciser qu'il n'a vu qu'à deux reprises Abane Ramdane durant la révolution, indiqué que Abane Ramdane est l'un des militants qui étaient les plus connus auprès des moudjahidine. «Son nom était connu de tous. Sa rigueur l'était également.» Lakhder Bouregaâ qui s'est souvenu d'une réunion dans la Wilaya IV historique à laquelle Abane était présent, a dit que celui-ci défendait avec acharnement ses idées. «Il ne cherchait pas à ridiculiser ses camarades, mais il défendait ses idées et tenait à les faire valoir.» Cette attitude n'a fait, de l'avis de Bouregaâ, qu' augmenter le charisme de Abane Ramdane aux yeux de ses camarades et des moudjahidine.