Dans L'appel de la montagne, Lounès Ghezali fait vivre l'histoire par des personnages emportés par le bon vouloir du destin. Dans ce roman, Lounès Ghezali explore l'univers intérieur d'un homme, Ali Hendi, qui se retrouve dans le maquis pour combattre l'ennemi externe, le colonialisme, fuyant l'ennemi interne, la haine et la jalousie des siens. L'histoire, racontée à la première personne du singulier, n'est pas celle de l'auteur ni même celle du narrateur. Le «je» qui se manifeste dans le roman est imaginé par l'auteur à partir d'une réalité pas complètement vécue, mais relatant une somme de souvenirs qui s'imposent par la force de l'amour et de l'affection portés aux ancêtres. Dans ce deuxième roman, les faits sont situés par l'auteur au tout début de la guerre de Libération nationale. Dans la trame, l'auteur, par un «je» qui se raconte dans le prologue, joue à cache-cache, par un jeu de miroir, avec un autre «je» qui se prend en charge dans la suite du récit. La trame s'accélère et ralentit au gré des histoires individuelles, qui se nouaient. Le «je» cède souvent sa place à la description des lieux, des personnes et des situations. Le «je» s'acharne à fuir le destin mais il se trouve, à des endroits, rattrapé par la fatalité. En se libérant, il se retrouve embarqué dans une autre fuite, celle de certains des siens animée par la jalousie et la haine. Le mystère de la mort de Saïd Mellal n'en est pas un pour le «je» qui, par moment colle au narrateur comme son ombre, mais sans jamais prendre les couleurs et les formes exactes d'un corps réel. L'écrivain Lounès Ghezali propose à la lecture une trame par laquelle le lecteur se retrouve embarqué avec un plaisir certain dans les dédales de l'histoire collective. Les jeux de miroir entre les «je» qui se parlent et qui se racontent mutuellement font que la trame ressemble à un chemin dont la vision se trouve brouillée, mais vite éclaircie par un souvenir, une parole d'un ancêtre ou parfois même une vision dans la forêt. En effet, dans L'appel de la montagne, Lounès Ghezali fait vivre l'histoire par des personnages emportés par le bon vouloir du destin, mais dont l'acte final a été volontairement fondateur d'une grande réalisation, l'Indépendance. Ali Hendi, le héros qui se laisse entrevoir dans le «je» ne voulait pas uniquement aller à la guerre contre le colonialisme. Il voulait d'abord fuir le destin que lui réservaient les siens, quelques villageois de mèche avec l'administration coloniale qui voulaient le traîner dans la boue. Enfin, le roman est une immersion non pas dans le passé brut, mais plutôt dans l'histoire conçue par les hommes avec des personnages, pas anodins, mais fabriqués par cette même histoire. C'est le destin qui se libère de la fatalité. La trame s'arrête aux premiers balbutiements de la naissance d'un monde libre après une guerre contre la cruauté du colonialisme, la haine et la jalousie des siens. L'histoire se termine, juste avant le lever du soleil qui éclaire la forêt et la montagne qui sont le monde naturel des personnages. L'appel de la montagne est un roman à lire absolument. L'auteur est à son deuxième ouvrage après un premier intitulé Le Rocher de l'hécatombe qui raconte, d'un ton romanesque, la tragédie réelle du village Aït Saïd, dans le massif du Mizrana suite à l'expédition des janissaires ottomans. Son deuxième roman est également une façon de conjurer le sort des autochtones, face aux agressions externes. N'est-ce pas lui qui nous dira qu'il ne peut décrire un univers qu'il ne connaît pas?