Il régnait hier dans la plupart des assemblées locales de Béjaïa un véritable climat de confusion. Les citoyens, qui se trouvaient sur les lieux, étaient visiblement gagnés par une inquiétude grandissante devant une situation inédite. Théoriquement dissoutes, à la faveur du décret présidentiel adopté lors du dernier conseil des ministres et promulgué dans le Journal officiel, les assemblées élues de Kabylie continuent à fonctionner comme si de rien n'était. Un état de fait qui n'a, cependant, pas manqué de soulever une certaine incompréhension, tout à fait légitime, si l'on considère les interrogations des citoyens. Les élus n'ont-ils plus de prérogatives? les documents qu'ils paraphent, sont-t-ils valables? L'attribution des marchés ne sera-t-elle pas remise en cause? Les délibérations sont-elles applicables? Autant de questions que se posent aussi bien les simples citoyens que les opérateurs économiques. Des questions qui, force est de constater, ne trouvent toujours pas de réponse en l'absence de réponse officielle en mesure d'éclairer un tant soit peu la lanterne de tout un chacun. Théoriquement, les assemblées élues de Kabylie sont dissoutes. Référence faites au décret présidentiel n°05-154 du 20 juillet publié dans le JO n° 51, il est stipulé clairement dans son article 2 que “jusqu'au renouvellement, par voie électorale des assemblées populaires communales concernées, les actes d'administration courante, ainsi que les actes conservatoires urgents et de nature à préserver et /ou protéger le patrimoine communal sont confiés aux secrétaires généraux de ces communes”. En d'autres termes “les élus dans l'ensemble des communes concernées par le décret en question n'ont plus les prérogatives de signature de documents de quelque nature soit-elle”, expliquait hier un juriste qui précise que “celles-ci (les prérogatives) sont confiées aux secrétaires généraux”. Cela théoriquement, mais en réalité la situation se présente autrement. Sur tous les documents délivrés hier, on note la griffe et la signature des présidents d'APC. Pis encore, certaines assemblées ont tenu même des sessions extraordinaires. C'est le cas de l'APC de Béjaïa qui s'est réunie le samedi 23 juillet, soit trois jours après la promulgation du décret présidentiel dans le JO de la République algérienne. Contacté à ce sujet, M.Rachid Chabati, maire de Béjaïa, a, tout en confirmant la tenue d'une session, déclaré n'avoir reçu aucune note officielle mettant fin à sa fonction d'élu. Pour lui, «l'application de tout décret nécessite une circulaire d'application» chose qui n'existe pas pour l'heure. «Nous n'avons rien reçu dans ce sens». A la question de savoir s'il n'y a pas risque de voir annuler la délibération adoptée le samedi passé, notre interlocuteur s'est montré catégorique «la délibération dont vous parlez reste aussi valable que celles que nous avions eu à produire depuis notre installation». Du côté de l'administration, c'est le silence total sur cette question. Toutes nos tentatives de joindre un responsable au cabinet du wali se sont avérées vaines. En l'absence du wali de Béjaïa qui serait en congé, les membres du secrétariat étaient en réunion. Du côté des archs c'est la sérénité. Confiant, un délégué nous expliquait hier que «quoi qu'ils fassent ou décident, tout sera remis en cause le moment venu», sans donner de précisions mais soutenait, cependant, qu'un décret présidentiel «est exécutoire 48 heures après sa publication au JO et dans un délai de 10 jours». «Tout acte ou décision pris durant ce délai sont nuls et non avenus», soutient-il. Les avis des uns et des autres sur ce sujet ne permettent pas pour autant de dissiper le flou qui entoure cette affaire. D'où l'urgence d'une réaction des pouvoirs publics. En attendant, ce sont les citoyens et les opérateurs économiques qui se voient pénalisés par cette confusion qui n'est pas sans dénoter un dysfonctionnement total de l'administration fort préjudiciable à la crédibilité de l'Etat.