Les dirigeants africains se retrouvaient de nouveau à Addis-Abeba pour parler d'une Union africaine en stand-by, à la recherche d'un équilibre qui la fuit depuis de longues années. Ce trentième sommet bi-annuel est ainsi placé sous le signe des réformes - institutionnelles et financières - de la recherche de nouvelles ressources financières - pour libérer l'Afrique de la dépendance de l'aide étrangère - et, ce n'est pas le moindre, la lutte contre la corruption, outre de mettre un terme aux conflits en éradiquant du continent les groupes terroristes. Ce qui est loin d'être assuré. Toutefois, les bonnes intentions n'ont jamais résolu les problèmes. Problèmes qui ne manquent pas dans une Afrique gangrenée, notamment, par la corruption. Une corruption (quasi)institutionnelle dès lors que les «aides» étrangères prennent souvent d'autres directions que celles auxquelles elles étaient destinées. Peut-on en Afrique lutter contre la corruption alors qu'elle profite en priorité aux décideurs africains? Ce n'est ni un affront ni un secret de dire que si de nombreux pays africains - et leurs peuples - vivent au seuil de la pauvreté, c'est principalement du fait que les richesses produites par l'Afrique sont monopolisées par une caste de dirigeants de ces pays lesquels sont, en revanche, riches, même très riches. C'est là une évidence que personne ne peut nier, sauf à être de mauvaise foi. De fait, le commissaire de l'Union africaine, Moussa Mahamat Faki, dépité par les ravages de la corruption reconnaît «l'ampleur du fléau de la corruption sur le continent et (...) ses effets dévastateurs pour le développement économique, corrosifs pour la cohésion sociale et déstabilisateurs pour l'ordre politique». Il y a de quoi! Selon les estimations des experts, l'Afrique perdrait chaque année l'équivalent de 50 milliards de dollars du fait de la corruption. Or, cet argent qui échappe au continent noir, trouverait facilement à s'employer pour relever le niveau de vie des Africains. C'est une excellente initiative pour l'Union africaine de mettre à l'ordre du jour de ses préoccupations, la corruption, un fléau qui dévalorise l'Afrique. Mais les moyens et surtout la volonté politique pour en venir à bout, existent-ils? Rien de moins sûr en fait, et le scepticisme est plutôt de mise, induit par les précédentes tentatives qui ont toutes échoué. Il ne pouvait en être autrement dès lors que, outre les obstacles pour mettre un terme au fléau, les pays de l'Union africaine tergiversent à prendre réellement à bras-le-corps la lutte contre ce phénomène. En fait, en Afrique ce sont les mentalités qu'il convient de réformer en priorité. Beaucoup de pays africains disposent de matières premières à même de leur permettre, outre l'autosuffisance, de sortir du sous-développement, qu'ils sont incapables cependant de transformer cette manne en richesse pour tous. C'est en particulier le cas de la RDC (République démocratique du Congo) l'un des pays les plus riches d'Afrique miné par les mauvaises décisions politiques, mais aussi par la multiplicité de conflits armés qui lui interdisent toute possibilité de sortir de l'ornière où elle est enlisée. L'Union africaine veut rompre avec une tradition qui l'a menée à l'impasse certes, mais encore faudrait-il qu'elle en ait les moyens, singulièrement politiques. Ce n'est pas évident au regard de la survivance de pesanteurs qui ont dépouillé la défunte Organisation de l'Unité africaine (OUA) de ses prérogatives. Or, si sur certains points l'Union africaine a indubitablement fait de réels progrès sur la forme, sur le fond il y a encore beaucoup à dire dès lors que l'UA - alors que les conflits induits par le terrorisme se multiplient - n'a toujours pas les moyens de sa politique. Loin s'en faut. La seule mission supervisée par l'UA en Somalie [Amisom] éprouve toutes les difficultés du monde pour assurer sa mission. Sur les autres théâtres africains, le terrorisme sévit au Mali, en Centrafrique, au Niger, au Nigeria, en RDC où ce sont des missions de l'ONU et de pays européens (la France notamment) qui agissent en lieu et place des Africains. Aussi, la perpétuation des conflits armés, les corruptions endémiques et les prédations, détournent le continent africain de ses objectifs essentiels, à savoir se consacrer uniquement au problème du développement sous tous ses aspects: éducationnel, sanitaire, de l'accroissement des productions agricole et industrielle par la mobilisation de moyens financiers et institutionnels autrement plus en phase. Or, le financement du développement de l'Afrique est dilapidé et capté par la corruption. Ce qui éclipse les enjeux auxquels le continent noir fait face. Dès lors, il n'est pas étrange que l'Afrique demeure en marge de la compétition mondiale. Et puis sans démocratie, peut-on éradiquer des phénomènes tels que la corruption et les conflits qui freinent, sinon bloquent le développement du continent? Bien sûr que non!