Pour ne point changer, c'est encore l'actualité qui imposera l'ordre du jour au XXIIIe Sommet de l'Union africaine (UA), dont les travaux se tiendront ce week-end à Malabo, capitale de la Guinée équatoriale. Le dernier coup d'Etat comptabilisé en Afrique a été commis en Centrafrique, mettant ce petit et pauvre pays à feu et à sang. Comme quoi l'Afrique n'a toujours pas retenu les leçons d'un pouvoir qui s'arrache par la force. Ces putschs obèrent non seulement le devenir du pays concerné, mais aussi celui du continent qui cherche toujours à sortir de l'ornière du sous-développement alors que ses potentialités sont énormes. Outre les prises de pouvoir par la force, un autre phénomène met en danger l'Afrique, le fléau du terrorisme jihadiste. C'est d'ailleurs l'un des points nodaux sur lesquels va plancher le sommet de Malabo. Le jihadisme qui frappe au coeur de l'Afrique éclipse ainsi les autres préoccupations plaçant les dirigeants africains face à un péril dont, sans doute, ils n'ont pas mesuré la menace. La sauvagerie du groupe Boko Haram dépasse ainsi tout ce qui aurait pu être imaginé de la part d'assassins sans état d'âme. L'UA et le commissariat de la Paix et de la Sécurité (CPS/UA) vont ainsi examiner la mise sur pied d'une force d'intervention africaine au Nigeria, comme l'indiquait, à une agence de presse, le commissaire à la Paix et à la Sécurité de l'UA, Smaïl Chergui, selon lequel «une réflexion est actuellement engagée concernant la création d'une force régionale à même d'endiguer les menaces sécuritaires (...)». Boko Haram (dénomination raccourcie en haoussa, de Jamâ'at ahl al-sunna li-l-Daâ'wa wa-al-Jihad) a été fondé en 2002 par Mohamed Yusuf, qui n'a jamais caché ses objectifs; l'application de la chari'â au Nigeria. Aujourd'hui, douze ans après, ce groupe s'est démultiplié évoluant en danger, non plus pour le seul Nigeria, mais pour l'ensemble du continent, puisant ses forces dans un Nord musulman marqué par la pauvreté et l'analphabétisme. En n'agissant pas en temps et lieu, les autorités nigérianes assument une grande responsabilité dans l'expansion de ce groupe terroriste qui menace désormais la sécurité de l'Afrique. D'autant plus que l'activité criminelle de ce groupe fait jonction avec celles de groupes jihadistes similaires d'Aqmi au Sahel et des Shebab en Somalie et au Kenya, qui se réclament d'Al Qaîda. Cela, outre les méfaits du groupe Ansar Echari'â en Libye. Même si la situation en Centrafrique est tout aussi explosive, elle relève cependant d'autres données, induites par les coups d'Etat répétitifs et la corruption qui ont mis le pays au bord de l'implosion. Mais aujourd'hui, l'urgence, c'est le danger du terrorisme jihadiste qui sème la mort outre le Nigeria, au Mali, en Libye, au Kenya et en Somalie. De fait, la progression du jihadisme islamists commence à inquiéter des pays africains qui s'estimaient non concernés - à l'instar du Cameroun et de la Guinée équatoriale qui accueille le sommet africain - qui découvrent un terrorisme désormais à leurs portes. Ce qui a fait dire au président guinée équatorien, Teodoro Obiang Nguema «nous allons sérieusement aborder ce problème (des jihadistes) lors du sommet». Mais n'est-il pas un peu tard quand il fallait prendre le taureau par les cornes dès ses prémices? Si, les putschs constituent la maladie infantile de l'Afrique - dont les dirigeants n'arrivent toujours pas à regarder au-delà d'une fixation, morbide, de l'exercice du pouvoir - plus que jamais le terrorisme jihadiste est devenu son cancer et dont le continent risque d'être impuissant à en éradiquer la menace. Le réveil, certes tardif, est sans doute douloureux quand il aura fallu douze années au Nigeria pour (re)découvrir la nocivité de groupes armées dont les forfaits sont rédhibitoires. L'Afrique dont plusieurs missions se trouvent sur le terrain (en Somalie, en Centrafrique, au Mali et au Soudan du Sud) n'arrive toutefois pas à réellement prendre en charge l'ensemble des paramètres sécuritaires qui mettent le continent en péril tant par le manque de moyens adéquats, de professionnalisme des agents de sécurité que par des politiques erratiques, bien sûr insuffisantes à juguler le danger terroriste. Ce danger aurait dû interpeller les dirigeants africains dès son avènement au milieu des années 1990. Cela n'a pas été le cas avec les suites préjudiciables que l'on sait pour l'Afrique. Aussi, avec ses errements, l'Afrique n'arrive toujours pas à mettre le cap sur la démocratie et le développement.