La cryptomonnaie est certes interdite dans notre pays, mais la technologie qui lui est sous-jacente ne l'est pas pour autant La loi de finances 2018 vient d'interdire en bloc le concept de cryptomonnaie. Riad Safta explique qu'il ne faut pas pour autant «jeter le bébé avec l'eau du bain». Double diplômé du master finances et trésorerie d'entreprise de l'Ecole supérieure algérienne des affaires et de l'université de Lille 2 en partenariat avec HEC Paris et Escp-EAP en 2010, Riad Safta a débuté sa carrière comme cadre comptable et financier au sein d'entreprises du secteur pétrolier. Il a ensuite rejoint des multinationales où il a souvent mené des projets de dématérialisation du traitement des opérations de trésorerie. Il décrypte ici le thème sensible de la cryptomonnaie ou monnaie virtuelle, finalement interdite en Algérie par la loi de finances 2018. Rappelons que ce sujet a fait l'objet d'un débat d'experts à la faveur du Salon de l'étudiant qui a été dernièrement abrité par le Palais de la culture Moufdi Zakaria, à Alger. Entretien. L'Expression: Vous venez d'animer un atelier autour du thème de la ctyptomonnaie en présence de MM. Ali Kahlane et Djalil Amouche. Pourquoi le choix de ce thème précis? Riad Safta: Le sujet est d'une brûlante actualité, on parle aux quatre coins de la planète de cryptomonnaie, de bitcoin...notre propos consiste à apporter un éclairage sur ce thème et vulgariser le concept auprès des étudiants en Algérie. D'où notre intervention au sein de ce Salon dédié à l'étudiant. Je rappelle par ailleurs, que la cryptomonnaie a fait carrément l'objet d'un article de la loi de finances 2018, puisqu'elle tombe sous le coup de l'interdiction; ce qui nous a motivé pour expliquer les avantages et inconvénients de cette nouvelle monnaie auprès du public estudiantin et au-delà. Finalement, la cryptomonnaie est interdite en Algérie, est-ce à dire que cette interdiction fait table rase de tout l'environnement qui lui est sous-jacent? La cryptomonnaie est certes interdite dans notre pays, mais la technologie qui lui est sous-jacente ne l'est pas pour autant. La technologie Blockchain n'est pas interdite, bien au contraire. Celle-ci, c'est-à-dire la Blockchain, va toujours exister et je rejoins ici M.Ali Kahlane qui a rappelé que nous avons recours à cette technologie pour d'autres fins, notamment dans le cadre des smart cities. La Blockchain n'est ainsi pas exclusive à la cryptomonnaie puisqu'elle rentre dans la sécurisation de toutes les données numériques. Pour revenir à l'interdiction en elle-même, disons qu'elle obéit au choix du régulateur algérien, car les inconvénients de cette monnaie virtuelle sont légion. Citons la forte volatilité, la non-maîtrise des banques centrales des politiques monétaires internes ce qui est un vrai danger en soi. Nombreux sont d'ailleurs les pays à avoir interdit cette monnaie alors que d'autres essayent par tous les moyens de l'encadrer. Sachant que le principe même de la cryptomonnaie consiste à échapper à toute forme d'encadrement, comprendre par là, échapper à toute tierce mainmise, comme une banque par exemple. A vous entendre, la cryptomonnaie serait particulièrement indiquée pour les pays en voie de développement, or, l'Algérie vient de l'interdire. N'est-ce pas paradoxal? Il serait vraiment hasardeux de déclarer aujourd'hui que la cryptomonnaie serait indiquée pour tous les pays en voie de développement. Elle est en phase de développement et reste encore assez embryonnaire. Le bitcoin ne représente à peu près que 300 milliards de dollars pour le moment, ce qui est infime en comparaison avec la masse monétaire classique qui circule à l'échelle mondiale. L'Algérie, qui vient d'interdire la cryptomonnaie, amorce le virage du numérique et aspire pourtant à développer le e-paiement...n'est-ce pas contradictoire? Effectivement, et c'est là un point sur lequel j'ai attiré l'attention des étudiants auxquels j'ai expliqué qu'en dépit du risque que représente la cryptomonnaie, il n'est pas indiqué pour autant de jeter tout ce qui est derrière et pourquoi pas développer de nouvelles méthodes de paiement. En un sens ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Le e-paiement est en fait l'un des objectifs prioritaires des pouvoirs publics. Il n'en demeure pas moins que le sujet passionne à tel point que deux écoles défendent deux points de vue différents? Il est évident que des gens soient pour la monnaie virtuelle type cryptomonnaie et d'autres contre. Les premiers y voient une nouveauté et quelque chose qui est dans l'air du temps qui peut fluidifier certaines transactions sur Internet. Les seconds y voient par contre un réel danger. Ce qui n'est pas dénué de sens car le péril est bien réel derrière la cryptomonnaie. Le bitcoin monnaie-phare de la cryptomonnaie bien que celle-ci ne soit pas la seule, a perdu près de 50% de sa valeur en moins d'un mois. C'est dire les risques de crash et de dévaluation auxquels peuvent s'exposer les pays qui viendraient à adopter cette monnaie. Toute une bulle de spéculation entoure la cryptomonnaie, comment voyez-vous l'avenir de cette monnaie? L'on avance d'ores et déjà que l'année 2140 sera l'année qui verra le bitcoin atteindre son plein potentiel d'utilisation. Ce qui renseigne déjà sur l'incapacité de mettre à l'infini en circulation ce genre de monnaie. L'évolution du bitcoin reproduit exactement les mêmes caractéristiques qu'une bulle spéculative. Les risques crashs sont finalement réels à terme.