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Au nom de la légitime défense
LES KURDES D'AFRINE ONT DESORMAIS LE SOUTIEN DES FORCES SYRIENNES
Publié dans L'Expression le 22 - 02 - 2018


Des tanks turcs sur la route d'Afrine
Ankara considère comme une «cible légitime» tout groupe qui viendrait en aide aux Unités de protection du peuple (YPG), milice kurde qu'Ankara veut chasser de l'enclave syrienne d'Afrine, selon la présidence turque.
L'information tombée hier soir est confirmée. Fini les relations plus ou moins tendues entre les Kurdes de la région nord du pays et le régime syrien qui a, finalement, répondu à l'appel des YPG en envoyant à Afrine des forces alliées, composées des mouvements chiites soutenus par l'Iran. Quelques centaines de combattants sont ainsi parvenus à se déployer dans le district d'Afrine, malgré les tirs d'artillerie de l'armée turque. Cette nouvelle donne a un effet important sur les évènements, en ce sens qu'elle traduit le renoncement kurde, du moins pour la région d'Afrine et Minbej, à la revendication d'une identité séparatiste, tentée quelques mois plus tôt par les Kurdes irakiens dont l'ambition a été brisée nette par la réaction de Baghdad. Après un mois de résistance acharnée, les forces syriennes, toutes identités confondues, ont désormais l'appui du régime qui dénonce une agression turque. Toutes ces troupes vont se positionner le long de la frontière entre les deux pays, de sorte que la tâche de l'armée turque va être autrement plus ardue, au moment où les Etats-Unis se disent enclins à poursuivre leur intervention militaire en Syrie de concert avec la Turquie. La visite de Rex Tillerson, la semaine dernière, à Ankara et sa rencontre avec les dirigeants turcs dont le président Recep Tayyip Erdogan, a pris tout son sens avec cette volte-face du gouvernement turc qui multiplie les changements d'alliance au gré des circonstances. Mu par le vieux rêve d'une résurrection de la Sublime Porte, le président Erdogan porte un étendard et une politique qui fluctue au gré des évènements. Et dans l'attente de la prochaine présidentielle, jouer sur la fibre patriotique de la population turque reste une affaire somme toute rentable.
Le pari de Tillerson, quant à lui, vise à faire d'une pierre? deux coups. Un, se «débarrasser» des Kurdes de Afrine et Minbej qui sont de moindre importance par rapport aux FDS basés à Raqqa, regagnant en échange la «confiance» de la Turquie et de ses affidés. Deux, compromettre ou, à défaut, freiner les efforts de la Russie qui tente, depuis Astana et Sotchi, d'accélérer le processus de normalisation politique de la Syrie aux dépens d'une stratégie américaine d'occupation sur le long terme. Depuis 2011, la Syrie est un terrain où se télescopent de nombreux intérêts géostratégiques mobilisant, pêle-mêle, des grandes puissances et des puissances régionales comme la Turquie.
Est-ce normal que cette dernière envoie son armée en territoire syrien et que ses dirigeants «avertissent» le régime syrien de ne point tenter de se mettre en travers de leur route? Des choses insensées sont devenues tout à fait normales, et certains médias occidentaux y contribuent grandement, tant leur façon de relater «l'information» est insidieuse (cf l'édito de mon confrère K. M).
Le prétexte avancé par Ankara selon lequel les ambitions autonomistes des Kurdes de Syrie renvoient aux velléités indépendantistes du PKK, pouvait trouver une certaine justification si les Turcs avaient joué franc jeu avec Damas au lieu de chercher, comme beaucoup d'autres, à saborder le régime et le pays! D'ailleurs, avant 2011, y avait-il le moindre danger kurde syrien aux frontières de la Turquie? La politique d'Ankara, tortueuse et inconstante à souhait, avait un but, à l'origine de ses déboires actuels. Hier, les premiers affrontements, à coups d'artillerie, ont opposé Turcs et affidés rebelles, d'une part, et forces alliées du régime syrien, d'autre part, aux portes d'Afrine. On ne sait pas encore les conséquences de ce face-à-face sur les aspects politiques comme le processus d'Astana, dans lequel la Russie et l'Iran, soutiens du régime du président Bachar al Assad, et la Turquie, soutien d'une partie des «rebelles», mènent un processus politique de règlement de la crise. Il semble que Moscou qui avait retiré ses troupes d'Afrine début janvier, permettant à l'armée turque de lancer son offensive, concentre actuellement ses efforts aux côtés de l'armée syrienne dans la Ghouta orientale où subsiste la dernière poche rebelle, à quelques encablures de Damas, constamment visée par des tirs d'obus et des tentatives d'attentats à partir de cette enclave.
La question est de savoir si la Russie et la Turquie vont poursuivre leur coopération sur le dossier syrien, les deux pays soutenant des camps opposés. Erdogan avait réussi à se rapprocher de Poutine, après la brouille qui a suivi la destruction volontaire d'un avion de chasse russe, et qui a valu à Ankara de sévères sanctions économiques, parce qu'il ne supportait pas le soutien des Etats-Unis aux Kurdes syriens considérés comme des terroristes au même titre que le PKK. La visite à Ankara du secrétaire d'Etat américain semble avoir convaincu le président turc de sorte qu'il revient à ses premiers amours. Avec des pertes en hommes (31) et en matériels, «Bouclier de l'Euphrate» entre dans son deuxième mois et ne semble pas au point d'assiéger la localité d'Afrine, contrairement aux déclarations de l'armée forte de la prise d'une quarantaine de villages tous mitoyens de la frontière et donc loin d'Afrine.
Depuis Moscou où elle participait au club de discussion Valdaï, la Conseillère politique et médiatique à la présidence de la République syrienne, Bouthayna Chaâbane, a rappelé que «l'agression turque contre la Syrie et la présence américaine illégale constituent une violation du droit international et entravent tout progrès dans le règlement politique et la victoire totale sur les terroristes», signe que «la violation de l'accord sur la cessation des hostilités rend plus difficile la coopération entre les pays garants». Un message que les dirigeants d'Ankara doivent prendre en considération.


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