Le Palais du gouvernement Les règles ainsi rappelées, le gouvernement tient à jouer franc-jeu avec les syndicats, mais uniquement ceux qui représentent réellement les travailleurs et qui activent pour défendre leurs revendications socioprofessionnelles. Le gouvernement semble avoir tiré les leçons des mouvements de grève qui ont fortement secoué le pays dernièrement. Reconnaissant le droit à la grève aux organisations syndicales qui est un droit constitutionnel, l'Exécutif de Ahmed Ouyahia tient cependant à faire respecter les fondamentaux du syndicalisme: la grève ne doit en aucun cas être utilisée comme moyen de chantage et de surenchère et la négociation, qui a toujours été le credo de l'action syndicale en tant qu'instrument de défense des droits des travailleurs, doit le demeurer. Il faut dire que l'appel à des grèves illimitées dans des secteurs aussi sensibles que l'éducation et la santé, est loin de tout fondement syndical traditionnel. Il s'agit plutôt d'aventure qui ébrèche l'authenticité de l'action syndicale car, recourir à une action aussi extrême quand les portes du dialogue ne sont pas fermées, ne se justifie point. Et c'est l'obstination des syndicalistes de poursuivre des débrayages jusqu'au pourrissement, non pas pour des raisons relevant des revendications socioprofessionnelles, qui a donné à réfléchir. Face à l'altération de l'action syndicale, le gouvernement a décidé d'agir. Et pour ce faire, il a choisi la légalité en recourant à l'application de la loi dans toute sa rigueur. C'est via le ministère du Travail que le gouvernement veut nettoyer «les écuries d'Augias». Le ministère a commencé par donner la liste exhaustive des 66 organisations syndicales de travailleurs enregistrées à fin février 2018 par ses services, conformément à la loi n° 90-14. Il a ensuite tenu à alerter l'opinion publique et tous les employeurs contre des groupes se présentant comme des organisations syndicales, mais qui sont en réalité «en infraction par rapport à la législation du travail et ne représentent aucune catégorie socioprofessionnelle». Le ministère a également fait part d'un risque d'arnaque des travailleurs sous forme de cotisations par ces syndicats autonomes activant sans agrément. Après ce premier «lifting» du paysage syndical dans le pays, le ministère a entamé la seconde phase du «toilettage». Dans un communiqué qu'il a rendu public hier, le département de Mourad Zemali a appelé les organisations syndicales de travailleurs salariés et d'employeurs à se conformer aux dispositions de la loi 90-14, notamment ses articles 34 à 37 bis, en communiquant à l'organisme employeur et à l'autorité administrative compétente, les éléments permettant d'apprécier leur représentativité. A ce titre, le ministère invite toutes les organisations syndicales à lui faire parvenir dans des délais qui ne sauraient excéder la fin du mois en cours, toutes les informations sur les éléments permettant d'apprécier la représentativité de leur organisation syndicale. Les organisations syndicales qui ne produisent pas les éléments d'appréciation de la représentativité dans les délais réglementaires, «peuvent être considérées non représentatives» a averti le ministère. Et que prévoit la loi? La représentativité d'une organisation syndicale est subordonnée à deux critères légaux: l'organisation syndicale doit être légalement constituée depuis au moins 6 mois, elle doit regrouper au moins 20% de l'effectif des travailleurs salariés couverts par les statuts desdites organisations syndicales et/ou ayant une représentation d'au moins 20% au sein du comité de participation, lorsque ce dernier existe au sein de l'organisme employeur concerné. La loi énumère également des conditions d'éligibilité pour les délégués syndicaux dont le nombre est défini par la loi en fonction des effectifs des travailleurs salariés de l'organisme employeur. Elle énonce les prérogatives des syndicats représentatifs dont la participation aux négociations des conventions ou accords collectifs, la participation à la prévention et au règlement des conflits de travail et à l'exercice du droit de grève. Les règles ainsi rappelées, le gouvernement tient à jouer franc-jeu avec les syndicats, mais uniquement ceux qui représentent réellement les travailleurs et qui activent pour défendre leurs revendications socioprofessionnelles. Les autres et à défaut de se conformer à la loi devront disparaître. La loi ainsi appliquée va permettre de connaître les réelles forces syndicales existantes et leur donner le quitus pour mener à bien leur combat. Celui de défendre les droits des travailleurs, mais aussi de veiller à l'accomplissement de leurs devoirs.