La Commission européenne a présenté hier sa stratégie de riposte face aux menaces de Donald Trump de taxer lourdement les importations d'acier et d'aluminium aux Etats-Unis, dont des mesures de rétorsion sur les jeans, le beurre de cacahuète, le jus d'orange ou le bourbon américain. «Il n'y a pas de gagnants dans une guerre commerciale», a affirmé la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, qui «espère toujours que l'Europe sera exemptée» des mesures annoncées la semaine passée par le président américain des droits de douane de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium. «Cela nuirait aux relations transatlantiques», a insisté la Suédoise, qui comme prévu n'a pas fait d'annonces concrètes mais a uniquement présenté les mesures que l'UE est prête à prendre le cas échéant. M. Trump a réaffirmé mardi ses intentions, accusant même l'Union européenne de n'avoir «pas bien traité les Etats-Unis» en matière commerciale. Ce protectionnisme affiché a d'ailleurs poussé son principal conseiller économique, Gary Cohn, à claquer la porte de la Maison-Blanche. Les Européens exportent environ pour 5 milliards d'euros d'acier et pour 1 milliard d'euros d'aluminium chaque année vers les Etats-Unis. Les mesures américaines, jugées protectionnistes par l'UE, pourraient leur porter préjudice à hauteur de 2,8 milliards d'euros, selon les calculs de la Commission. Tout en compliquant l'accès au marché américain pour les sidérurgistes européens, les taxes de Donald Trump pourraient aussi détourner vers l'Europe la production étrangère qui ne trouverait plus de débouchés aux Etats-Unis. La première disposition envisagée par Bruxelles consiste à prendre des mesures dites «de rééquilibrage» afin de compenser en valeur le dommage subi, en accord -insiste-t-elle- avec les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Il s'agirait de taxer certains produits américains spécifiques pour envoyer un message politique à Donald Trump, par exemple en visant des entreprises dans les Etats qui lui sont le plus favorables. Cette première réponse mettrait environ trois mois à devenir effective. L'idée de Bruxelles est de maximiser l'impact politique aux Etats-Unis de ces mesures de rétorsion, tout en minimisant ses effets sur les consommateurs européens. «Une liste provisoire est en discussion» et sera «bientôt rendue publique», a confirmé Mme Malmström.«Il y a sur cette liste des produits en acier, industriels et agricoles. Certains types de bourbon en font partie ainsi que d'autres articles comme le beurre de cacahuète, les airelles et le jus d'orange», a-t-elle précisé. Jean-Claude Juncker avait déjà révélé la semaine dernière que des marques emblématiques comme Harley-Davidson et Levi's, ainsi que le bourbon, étaient dans le viseur de Bruxelles. Dans les faits, la liste de l'UE ne mentionne pas d'entreprises, mais utilise une nomenclature douanière plus générale - type «pantalons, de travail, de coton, pour hommes». «On ne peut cependant pas prendre de décision définitive sur cette liste tant que les Etats-Unis n'ont encore rien annoncé d'officiel», insiste une source européenne. Outre les mesures de rétorsion, l'UE pourrait également mettre en place en quelques semaines des mesures dites de «sauvegarde» pour protéger son industrie. Cela consisterait à restreindre temporairement les importations européennes d'acier et d'aluminium pour préserver les deux branches concernées des flux étrangers, comme l'autorise l'OMC. Enfin, Bruxelles déposera si besoin, peut-être avec les autres pays concernés - y compris la Chine, premier producteur mondial et régulièrement accusée de subventionner sa production - une plainte commune devant l'OMC, une procédure qui prend généralement deux ans. «Ils peuvent faire ce qu'ils veulent mais, s'ils le font, on mettra alors une grosse taxe de 25% sur leurs voitures et, croyez-moi, ils ne continueront pas à le faire très longtemps», a rétorqué M. Trump mardi quand un journaliste l'interrogeait sur les potentielles mesures européennes.