Le président sud-coréen Moon Jae-In et le leader nord-coréen, Kim Jong Un, peuvent, ensemble, faire de la Corée une grande puissance asiatique Après deux années de montée des tensions, ces deux derniers mois ont été marqués par une frénésie diplomatique entre le nord et le sud de la Zone démilitarisée (DMZ). Ultime illustration en date, la visite au nord, en début de semaine, d'une éminente délégation sud-coréenne, pour la première fois en 10 ans. Dès la publication des premières analyses d'observateurs sur le sommet américano-nord-coréen, Washington s'est empressée de riposter affirmant que les «Etats-Unis n'ont fait aucune concession et que c'est Pyongyang qui a fait quelques propositions». En effet, Donald Trump a accepté le principe d'un sommet avec le leader nord-coréen Kim Jong Un. Cette perspective est perçue comme un rebondissement spectaculaire dans l'un des conflits les plus épineux du globe. Impensable il y a quelques semaines, en raison des tensions et des discours guerriers tenus par les responsables des deux pays. Le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson a lui-même reconnu que «ça a été un peu une surprise pour nous». «Maintenant, il faut s'accorder sur le timing de leur première rencontre et cela prendra des semaines avant que tout soit réglé». L'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) a souhaité que cette annonce débouche sur des «progrès concrets» dans le dossier nucléaire et sur une possible reprise de ses inspections en Corée du Nord. Rappelons que jeudi dernier à Washington, Chung Eui-yong, conseiller national sud-coréen à la Sécurité, a annoncé que Trump avait accepté de rencontrer Kim Jung Un. Le leader nord-coréen «a fait part de son désir de rencontrer le président Trump le plus vite possible», a-t-il déclaré. «Le président Trump (...) a dit qu'il rencontrerait Kim Jong Un d'ici fin mai pour parvenir à la dénucléarisation permanente». La Maison-Blanche a confirmé que le président américain, avait accepté la proposition du dirigeant nord-coréen. Il s'agit d'un changement radical dans l'attitude des deux hommes quand on sait que Trump qualifiait, il y a peu, Kim de «petit homme fusée» et de «petit gros», tandis que ce dernier traitait Donald Trump de «malade mental gâteux». Ces évolutions brusques sont favorablement accueillies par les puissances mondiales qui y voient une détente de nature à contribuer à une stabilité des relations internationales, notamment en ce qui concerne le dossier des armes nucléaires. Ainsi, la Chine et la Russie ont-elles salué l'annonce, Pékin évoquant «un signal positif» et Moscou «un pas dans la bonne direction». Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a une position nuancée. Il estime qu'il n'y avait «pas de changement de politique» de Tokyo et Washington: «Nous continuerons à exercer une pression maximale jusqu'à ce que la Corée du Nord prenne des mesures concrètes vers une dénucléarisation.» Dans un tweet, Donald Trump a salué de «grands progrès» sur le dossier nord-coréen, insistant sur le fait que l'homme fort de Pyongyang avait parlé de «dénucléarisation», pas seulement d'un «gel» des activités nucléaires. «Les sanctions doivent rester en place jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé», a-t-il ajouté. Chung a par ailleurs précisé que Kim Jong Un s'était engagé à oeuvrer à la «dénucléarisation» de la péninsule coréenne et a promis de s'abstenir «de tout nouveau test nucléaire ou de missile» pendant d'éventuelles négociations. «La rencontre de mai restera comme le tournant historique qui a permis de réaliser la paix sur la péninsule coréenne», a déclaré vendredi dernier, le président sud-coréen Moon Jae-in. Après deux années de montée des tensions, ces deux derniers mois ont été marqués par une frénésie diplomatique entre le nord et le sud de la Zone démilitarisée (DMZ). Ultime illustration en date, la visite au nord en début de semaine d'une éminente délégation sud-coréenne, pour la première fois en dix ans. Après s'être longuement entretenu lundi dernier, à Pyongyang avec Kim Jong Un, Chung avait assuré que ce dernier était prêt à bouger sur le dossier longtemps tabou de son arsenal nucléaire. Nord et Sud ont décidé, selon Séoul, de la tenue fin avril d'un troisième sommet intercoréen qui aura lieu dans le village de Panmunjom, au milieu de la DMZ. Ennemis pendant la guerre de Corée (1950-1953), Washington et Pyongyang se sont enfermés ces 20 dernières années dans un face-à-face des plus dangereux, avec notamment 30 000 militaires américains postés au sud de la DMZ. Pourquoi ce revirement des ennemis traditionnels qui entretiennent la Guerre froide? La majorité des analystes voit dans ce réchauffement qui s'annonce entre Washington et Pyonyang une victoire politique de Kim Jung Un, alors que ce dernier, dirige d'une main de fer, un pays pauvre et une population sous pression qui risque d'exploser à tout moment en raison d'une situation socio-économique intenable. Le régime nord-coréen est de plus en plus isolé et fait face à un blocus économique étouffant. Le développement de son programme nucléaire militaire constitue certes, une puissance dissuasive, mais inutile si le pays est ruiné. Au-delà de cet aspect déterminant et qui ne peut être ignoré indéfiniment, la perspective de la réunification des deux Corées et les conjugaisons des efforts et du potentiel des frères ennemis, pourraient faire de cette nation laborieuse et inventive, une puissance économique mondiale. A ce propos, il est évident que Séoul n'a ménagé aucun effort pour convaincre Pyongyang de mettre de l'eau dans son vin et d'envisager l'avenir sous un angle autre que militariste.