Le Makhzen à Rabat Toutes ces révoltes mettent à nu les discours creux des officiels marocains et dévoilent l'ampleur de la misère sociale qui frappe une grande partie de la population que les autorités s'ingénient à cacher, en usant de tous les moyens de diversion. «L'Algérie finance, l'Algérie abrite, l'Algérie arme, l'Algérie soutient diplomatiquement le Polisario.» Cette déclaration n'est pas celle d'un citoyen, un député ou même d'un ministre marocain... Mais celle du roi. Mohammed VI a décidé de s'attaquer ouvertement à l'Algérie dans une lettre qu'il a adressée au secrétaire général de l'ONU au sujet des «incursions» du Polisario dans la zone tampon. Quelles sont les raisons réelles qui ont poussé Mohammed VI à choisir l'escalade avec Alger? Une telle démarche n'est pas sans conséquences et le roi est bien placé pour le savoir. Et à bien voir, le timing renseigne sur la première raison qui a amené le Makhzen a s'attaquer à Alger. Il s'agit bien évidemment du dernier rapport onusien soumis ce mois d'avril au Conseil de sécurité et qui est totalement en faveur du Sahara occidental. De une, le rapport réfute clairement la prétendue présence d'éléments armés sahraouis dans la zone démilitarisée d'El-Guergarat. De deux, le rapport évoque les violations par le Maroc des droits de l'homme des Sahraouis dans les territoires occupés. Et de trois et c'est le plus important, le rapport recommande la relance de la négociation «avec une nouvelle dynamique et dans un nouvel esprit» dans l'objectif de «parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable du conflit, qui permette d'assurer l'autodétermination du peuple du Sahara occidental». C'est donc pour essayer de détourner l'attention sur ce rapport que le roi s'attaque à l'Algérie et menace même de recourir aux armes dans la zone tampon. Selon le site Middle East Eye, le Maroc aurait informé l'Algérie de sa décision de recourir à une intervention militaire par le biais d'un ambassadeur européen accrédité en Algérie. Si c'est vraiment le cas, pour quelle raison le Maroc a-t-il choisi un canal diplomatique tiers au moment où il aurait pu le faire par le biais de son ambassadeur à Alger? Comment doit être considérée une telle entorse aux us diplomatiques? N'est-ce pas là une attitude de dédain voulue pour pousser les responsables algériens à sortir de leurs «gonds»? Mais Alger ne tombera pas dans ce piège. Rompus à la pratique diplomatique et compétents, les cadres du ministère des Affaires étrangères algériens ne donnent jamais l'occasion au Makhzen d'user de faux prétextes pour détourner les regards du réel succès remporté par le Sahara occidental. Alger a, sereinement, répondu aux accusations du Maroc concernant «son soutien au Front Polisario». «L'Algérie continuera à soutenir résolument et à accompagner de bonne foi les efforts du secrétaire général de l'ONU et de son envoyé personnel M. Horst Köhler, visant à parvenir à une solution juste et durable du conflit du Sahara occidental fondée sur l'exercice par le peuple du Sahara occidental de son droit inaliénable à l'autodétermination, conformément à la doctrine et à la pratique des Nations unies en matière de décolonisation, et à la légalité internationale», a déclaré Abdelaziz Benali-Cherif, porte-parole du ministère des Affaires étrangères. La réponse royale de l'Algérie au Maroc devra permettre de démanteler aisément la première raison qui a poussé Mohammed VI à s'attaquer à l'Algérie. Il y a une seconde raison qui a poussé le roi à tenter d'allumer la mèche avec son voisin de l'est. C'est bien évidemment «le printemps du Rif» que le Maroc tente d'enrayer. Face à des mouvements de protestation sociale qui gagne chaque jour les régions pauvres de son pays, le roi propose un «nouveau modèle de développement». Cependant, cela ne semble pas empêcher la tenue de nouvelles manifestations dans plusieurs villes. La grogne des Marocains ne semble pas du tout tomber depuis la mort d'un vendeur de poisson à Al-Hoceïma en octobre 2016, dans la région du Rif, écrasé dans une benne à ordures en tentant de s'opposer à la saisie de sa marchandise. La mort du vendeur de poisson avait provoqué une onde de choc avec des mois de manifestations, des vagues d'arrestations et des sanctions au sommet de l'Etat. Depuis, le mouvement Hirak est né dans la région du Rif, historiquement frondeuse. Il y a eu aussi les manifestations de la «soif» dans la ville de Zagora, à la révolte de Jerada à la suite de la mort de deux mineurs ou encore à la bousculade du pain où pour un malheureux sac de farine pas moins de 15 femmes ont péri à Essaouira. Toutes ces révoltes mettent à nu les discours creux des officiels marocains et dévoilent l'ampleur de la misère sociale qui frappe l'immense majorité de la population que les autorités s'ingénient à cacher, en usant de tous les moyens de diversion. Le Maroc est un pays livré aux narcotrafiquants. Endetté, avec des réserves de changes en dessous de 40 milliards de dollars, un taux de chômage important, une explosion du tourisme sexuel et celle de l'extrémisme, le Maroc est au bord du gouffre. Raison pour laquelle, le roi cherche à créer une illusion d'unité autour d'une raison sacrée: celle du «Sahara marocain» afin de détourner les regards des Marocains de leur réalité amère.