Jadis fleur paradisiaque du Sud algérien, Béchar se trouve aujourd'hui, flétrie et meurtrie dans sa chair, victime d'une succession de gestionnaires et responsables indignes d'éloges, parachutés comme par magie à des postes névralgiques au-dessus de leurs compétences et de leur savoir-faire. Disloquée et livrée à son triste sort par le démembrement et l'incohérence de ses secteurs publics imparfaits et dépassés dans l'accomplissement des tâches qui leur incombent, il est nécessaire par mesure préventive à toute intervention que chaque maillon de la chaîne soit traité séparément afin de pouvoir reconstituer un tant soit peu l'image de cette wilaya ou plutôt ce qu'elle était. Cette grande oasis, alors capitale du sud de la Saoura et l'une des cinq premières préfectures implantées en Algérie durant l'ère coloniale, possède, depuis la nuit des temps, ses voies ferrées, ses gares et ses trains. Après la découverte de gisements miniers au Sahara, les routes et les pneus de marque Good Year, Michelin ou autres n'étaient guère les moyens appropriés aux yeux des colons pour assurer la continuité du transport en matériel, en denrées alimentaires et surtout pour exporter vers leur pays les matières premières extraites du sol à travers ce gigantesque territoire désertique, caillouteux, aride et sablonneux. Alors et malgré les difficultés nées de la géographie et les pertes en vies humaines, ils réussirent à réaliser et à mettre sur pied l'actuel chemin de fer. L'itinéraire tracé que devait parcourir le train pour se rendre au Nord ou inversement, transitait par les terres marocaines. La gare servant de relais et d'escale pour les passagers se trouvait dans la ville de Oujda (Sud marocain). Ce détour interfrontières était, dans le passé, la voie d'exil empruntée par des centaines d'Algériens et leurs familles proscrites ou condamnées fuyant les services de sécurité français pour aller trouver refuge et constituer ceux qu'on appelle «el-mouhadjirine». L'acheminement régulier du charbon et de la houille provenant des mines de Kénadsa et de Ksi-Ksou (villages limitrophes du chef-lieu de la wilaya) battait son plein. Inlassablement et quotidiennement les wagons déchargeaient des milliers de tonnes de cet or noir sur les quais de la Méditerranée, avant son expédition par voie maritime vers la France. Dès l'indépendance, le réseau ferroviaire s'est restreint au territoire national. Les rails reliant Kénadsa, Bidon-2, Ksi-Ksou et Abadla à Béchar et qui auraient dû être jalousement protégés et étendus pour toucher et faire sortir de leur éternel isolement d'autres localités et Ksour enfouis, jusqu'alors dans les confins du désert furent, par pure fantaisie, démantelés et utilisés à des fins personnelles sous le regard complice des autorités locales. Actuellement, le trafic ferroviaire entre Béchar et Oran, bien que manquant de moyens mécaniques sophistiqués et adéquats aux normes imposées par le temps et l'espace, continue d'être assuré par un vieux train appelé «Douga-Douga» en raison de sa lenteur et de sa vitesse de croisière qui n'excède pas les 40 km/h. Equipé de wagons-containers, il ravitaille la wilaya en blé, en fuel, en ciment.... L'étroitesse de la voie ferrée, la vétusté des locomotives, à mettre au musée des antiquités ne peuvent contribuer pleinement à l'essor économique national et au développement tant espéré de la région. Dépourvue de ressources pétrolières pour garantir son avenir, l'Algérie, immense pays fait de différentes régions, populations, cultures, coutumes, langues...exige impérativement que les rênes soient entre de bonnes mains, sûres et expertes. Il est temps, faute de rater le train en partance pour le 3e millénaire, de faire naître les capacités productives par une mise en place à tous les niveaux de la hiérarchie étatique de personnes intègres, de grande compétence et aptes à assumer leurs responsabilités, seuls atouts valables pour faire face à un avenir des plus difficiles.