Une annonce qui tombe à pic Pour le président américain, l'annonce est «une très bonne nouvelle pour la Corée du Nord et le monde», mais selon la Corée du Sud, c'est seulement «un progrès significatif pour la dénucléarisation de la péninsule Coréenne, que le monde attend». La grande nouvelle est tombée hier matin, à Pyongyang, où le régime nord-coréen a annoncé la fin des essais nucléaires et des tests de missiles intercontinentaux ainsi que la fermeture de son site d'essais atomiques. Ce geste éminemment politique a été aussitôt apprécié à Washington où le président Donald Trump s'est fendu d'un nouveau tweet pour saluer une décision dont il sait qu'elle anticipe favorablement le sommet qui doit se tenir pour la première fois avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un. Ce dernier a indiqué dans un message à la nation diffusé par l'agence officielle Kcna qu'à «partir du 21 avril, la Corée du Nord va cesser ses essais nucléaires et les lancements de missiles balistiques intercontinentaux», tout en soulignant que le site d'essais nucléaires de Punggye-ri, dans le nord du pays, a «rempli sa mission». Dans l'esprit du premier responsable de la Corée du Nord, il s'agit là d'un geste de bonne volonté destiné à mettre sous de bons auspices les rencontres prévues dans les deux mois qui viennent entre lui-même et les plus hauts dirigeants de la Corée du Sud puis des Etats-Unis. C'est sans doute ce qui a été discuté la semaine dernière, à l'occasion de la visite secrète du chef de la CIA, Mike Pompéo, futur secrétaire d'Etat en lieu et place de Rex Tillerson, démissionné par le président Trump pour cause de divergence aiguë sur la Syrie. Kim Jong-Un veut ainsi «prouver son engagement à suspendre les essais nucléaires», mais il convient de noter qu'il n'a nullement parlé de démantèlement de l'arsenal nucléaire nord-coréen, joyeusement baptisé «épée chérie». Au contraire, il a tenu à souligner par la même occasion que «le travail pour installer des ogives nucléaires sur des missiles balistiques est terminé», ce qui n'est pas fait, on s'en doute bien, pour rassurer les dirigeants de la Corée du Sud, moins d'une semaine avant la rencontre que les deux pays vont avoir dans la zone démilitarisée. Kim Jong Un et le président sud-coréen Moon Jae-in vont en effet se serrer la main pour la première fois après plusieurs décennies de tensions et même d'affrontements entre les deux pays et les discussions commenceront tout de go par porter sur la «menace nucléaire» que Séoul, mais aussi le Japon redoutent au pus haut point. Pour le président américain, l'annonce est «une très bonne nouvelle pour la Corée du Nord et le monde», mais selon la Corée du Sud, c'est seulement «un progrès significatif pour la dénucléarisation de la Péninsule Coréenne, que le monde attend». Quant à l'allié chinois de Pyongyang, il relève un «geste d'apaisement» qui va contribuer à «faire avancer le processus de dénucléarisation ainsi que les efforts en vue d'une solution politique». Moscou qui salue lui aussi la décision a ajouté: «Nous ne pouvons pas permettre un échec d'une telle rencontre. Nous souhaitons ardemment qu'il (Donald Trump) entame le processus de désescalade des tensions», allusion à la fois à la péninsule Coréenne et au Moyen-Orient où le bras de fer entre les deux superpuissances est quelque peu tendu. Quant à l'Union européenne, elle a réagi par la voix de Federica Mogherini qui espère que les prochaines rencontres entre les numéros un américain, nord et sud-coréens puissent déboucher sur «des résultats supplémentaires, concrets». Le Japon, par contre, ne s'est pas départi de sa méfiance en estimant que le «plus important est de savoir si cette décision conduira à l'abandon complet du développement nucléaire et celui des missiles, d'une façon vérifiable et irréversible». Tokyo a même réclamé par le biais de son ministre de la Défense, Itsunori Onodera, l'exercice d'une pression maximum sur Pyongyang au motif que Kim Jong Un n'a pas abordé l'exigence d'un abandon des missiles balistiques de courte et moyenne portée. «Comme le caractère opérationnel des armes nucléaires a été vérifié, il n'est plus nécessaire pour nous de mener des essais nucléaires ou de lancer de missiles à moyenne et longue portée ou Icbm» (missiles balistiques intercontinentaux), a expliqué Kim Jong Un pendant la réunion du comité central du parti unique nord-coréen. Malgré les nombreuses sanctions adoptées tour à tour par le Conseil de sécurité de l'ONU, les Etats-Unis, l'Union européenne et la Corée du Sud, la Corée du Nord a poursuivi sous sa direction, de manière simultanée, une stratégie de «développement simultané» de l'armée et de l'économie, appelé byungjin. Il s'agit désormais de passer à une autre phase qui va consister à «développer l'économie socialiste» et le Parti des travailleurs a consacré sa session de vendredi dernier à l'examen minutieux des objectifs de cette nouvelle étape «historique». La Corée du Nord a lancé en 2017 et début 2018 des missiles balistiques intercontinentaux capables d'atteindre le territoire continental des Etats-Unis et elle a également tenté son plus puissant essai nucléaire, de façon à «se protéger d'une agression nucléaire américaine». Il lui faut aujourd'hui obtenir en échange des garanties tangibles pour sa sécurité à travers une somme d'accords avec Washington et Séoul. Il semble que, pour le moment, les choses avancent dans la bonne direction.