Les Européens, qui entendent protéger leurs intérêts économiques liés à la reprise des échanges commerciaux avec Téhéran, discuteront de la possibilité d'appliquer une loi dite «de blocage», pour protéger leurs entreprises travaillant en Iran face aux menaces américaines. Les dirigeants des pays européens se retrouvaient, hier soir, à Sofia pour définir une réponse collective de l'UE face à «l'attitude» jugée «capricieuse» de Donald Trump sur le nucléaire iranien et le commerce international. Ils ont aussi prévu de prendre position après le bain de sang dans la bande de Ghaza, où près de 60 Palestiniens, dont des enfants, ont été tués par des tirs israéliens lors de manifestations contre l'inauguration, lundi, de l'ambassade des Etats-Unis à Jérusalem. «Nous sommes témoins aujourd'hui d'un nouveau phénomène, l'attitude capricieuse de l'administration américaine», a dénoncé hier le président du Conseil européen Donald Tusk, peu après son arrivée dans la capitale bulgare. «Quand on regarde les dernières décisions du président Trump, on pourrait même se dire qu'avec de tels amis, pas besoin d'ennemis», a-t-il ajouté. Les relations transatlantiques devaient occuper l'essentiel du dîner informel des 28 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, qui précède le sommet européen proprement dit, consacré aujourd'hui aux relations de l'UE avec les pays des Balkans. Si aucune décision concrète n'est prévue, les 28 vont surtout chercher à afficher une unité sans faille face aux défis américains, notamment celui du retrait de l'accord sur le nucléaire iranien et des sanctions frappant leurs entreprises opérant dans ce pays. Cet accord «est d'une importance primordiale pour la paix dans la région concernée et, au-delà, pour la paix mondiale», a insisté, hier, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, après une rencontre à Bruxelles avec le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres. «Je voudrais que, ce soir, à Sofia, nous nous mettions d'accord sur une attitude commune, consensuelle, pour ce qui est de nos relations avec les Etats-Unis», a-t-il dit. Donald Tusk a demandé aux trois pays européens (E3) signataires de l'accord avec l'Iran (France, Royaume-Uni, Allemagne) de partager leur évaluation de la situation, au lendemain d'une réunion à Bruxelles avec le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif. Les Européens, qui entendent protéger leurs intérêts économiques liés à la reprise des échanges commerciaux avec Téhéran, discuteront de la possibilité d'appliquer une loi dite «de blocage», un instrument permettant de protéger leurs entreprises travaillant en Iran face aux menaces de sanctions extraterritoriales américaines. «Les moyens sont là, nous les utiliserons. Mais il ne faut pas se voiler la face, les moyens sont limités», a toutefois prévenu M. Juncker. A ses côtés, M. Guterres a souhaité que «ces mesures puissent avoir du succès». M. Juncker doit par ailleurs présenter un état des lieux des discussions en cours avec les Américains au sujet des droits de douane sur l'acier et l'aluminium. «Mon objectif est simple: rester fermes. Cela signifie une exemption permanente» de ces taxes douanières, a réaffirmé, hier, Donald Tusk. L'UE est exemptée jusqu'au 31 mai à minuit des taxes douanières américaines de 25% sur ses exportations d'acier et de 10% sur celles d'aluminium. Pour l'exempter définitivement, Washington exige une plus grande ouverture du marché européen. Les Européens étudient plusieurs scénarios pour mettre un terme à ce conflit et la Commission a récemment ouvert la porte à une discussion sur un accord commercial «restreint», qui couvrirait uniquement des droits de douane sur des produits industriels et agricoles. L'Allemagne est favorable à une telle ouverture, contrairement à la France, qui craint de voir ressurgir le spectre du très impopulaire Ttip (ou Tafta), le grand accord commercial au point mort depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump. Certains pays semblent également prêts à accepter des quotas de la part des Etats-Unis, une solution qualifiée d'«étrange» par d'autres. Outre l'Iran et le commerce, les 28 parleront aussi des événements à Ghaza qui sont aussi liés «à la question plus vaste des conséquences des décisions de Donald Trump», a souligné un haut responsable européen. L'UE a exhorté toutes les parties à «la plus grande retenue» à la suite du massacre des Palestiniens lors des manifestations dans la bande de Ghaza contre le transfert de l'ambassade des Etats-Unis à El Qods. Mais l'unité des Européens n'est pas sans faille sur le sujet, comme l'a illustré le blocage récent par la République tchèque, la Hongrie et la Roumanie d'une déclaration européenne critiquant ce transfert.