Turki Al Sheikh, le président de la Fédération saoudienne de football a fait campagne pour la candidature américaine. Ici, il pose avec le représentant américain. Les Marocains constatent que l'aventure diplomatique de leur roi n'a rien produit d'autre que des selfies. Le Maroc est dans l'impasse. Le coup de fil donné par le ministre marocain des Affaires étrangères aux représentations diplomatiques à Rabat des pays qui ont appuyé sa candidature à l'organisation du Mondial 2026 ne suffira certainement pas à recadrer la politique extérieure du royaume. La realpolitik finira sans doute par reprendre le dessus et le roi du Maroc fera d'autres selfies avec le prince héritier d'Arabie saoudite et le Premier ministre libanais. Pourtant ces deux pays, considérés par Mohammed VI comme ses plus proches alliés dans la région du Golfe ont missionné leurs fédérations de football respectives à voter en faveur des Américains. Le camouflet du roi est d'autant plus évident que la totalité des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG), dont le Maroc est membre à part entière, ont suivi le choix du Libanais Saâd El Hariri. Dans ce «panier à crabes» qu'est l'auguste organisation qui rassemble les monarchies arabes, le Maroc ne fait visiblement pas office de «frère». Les circonstances internationales et les alliances avec l'empire américain ont plus lourdement pesé sur la balance que la «fraternité» inter-arabe. Il reste que cette attitude qui n'honore pas les pays du CCG, n'a pas été partagée par nombre d'autres pays de la région. Des pays que le gouvernement marocain a souvent tenté de discréditer ont dépassé le clivage politicien et pensé à la nation marocaine et à son peuple. L'Algérie qui figure sur la liste de ces pays arabes, a montré bien avant la tenue de l'assemblée générale de la FIFA, son intention de voter pour le dossier marocain. L'accord de voir le héros du football algérien, Lakhdar Belloumi, défendre la candidature du Maroc et les multiples déclarations du président de la FAF, participent clairement de la volonté algérienne de ne pas tenir compte des propos du ministre marocain des Affaires étrangères sur le prétendu rôle de l'Algérie et de l'Iran dans le dossier sahraoui. Les accusations grotesques n'ont pas impacté sur la position d'Alger, pour la simple raison que l'important restait, pour l'Algérie, que l'organisation de la Coupe du monde 2026 revienne à un pays maghrébin, plutôt qu'au trio américain. D'autres pays, à l'image de la Syrie, ont également estimé que la solidarité arabe valait plus qu'une brouille diplomatique. Dans le vote arabe à la FIFA, le peuple marocain connaît désormais ceux qui l'apprécient de ceux qui ont du mépris pour eux, pour leur roi et pour leur gouvernement. C'est dire que la claque qu'a reçue le Maroc à Moscou ne se limite pas à une simple défaite «sportive» dans un combat «dossier contre dossier». L'échec de la candidature marocaine est révélateur du poids de cette monarchie qui se voit lâchée par ses principaux alliés sur une course plus que sportive, puisqu' éminemment politique, en ce sens qu'un Mondial de football n'est pas une simple manifestation internationale. Il révèle le poids des pays organisateurs, la solidité des réseaux tissés à l'international et la capacité de leurs dirigeants à convaincre leur pairs, à commencer par leurs alliés. Dans le cas de figure du Royaume du Maroc, on est amené à déduire que Mohammed VI ne pèse rien du tout sur l'échiquier monarchique arabe. Pourtant, il a engagé son pays, dans la coalition arabe qui mène une guerre meurtrière au Yémen, il a été le premier à voter contre la Syrie à la Ligue des Etats arabes. Il s'est désolidarisé de Moammar El Gueddafi aux premières heures de la «révolution en Libye», il a allumé la mèche de l'offensive contre l'Iran. Toutes ces décisions, dont une bonne majorité va à l'encontre des aspirations profondes du peuple marocain, n'auront visiblement pas suffi aux alliés du Golfe pour soutenir la candidature marocaine à l'organisation du Mondial 2026. De là à ce qu'il se voit lâché sur le dossier sahraoui, il y a une frontière que les autres pays du CCG franchiraient allègrement. Par ce vote, les monarchies arabes ont humilié le roi Mohammed VI, aux yeux du monde, mais aussi, aux yeux de ses sujets. Ces derniers constatent, preuve à l'appui, que l'aventure diplomatique de leur roi n'a rien produit d'autre que des selfies. Le Maroc est dans l'impasse.