L'arrivée discrète de Kim Jong-Un à Pékin Principale alliée de la Corée du Nord depuis la guerre de Corée (1950-1953), la Chine n'a pas caché sa volonté de peser fortement sur les négociations en cours, à la fois dans les arcanes diplomatiques et dans les pourparlers stratégiques. Une semaine après sa rencontre historique avec le président américain Donald Trump, le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a entamé hier une visite de deux jours en Chine. Cette visite surprise intervient au moment où Pékin se retrouve dans un nouveau bras de fer et une escalade verbale virulente avec le même Donald Trump, suite à un nouveau différend commercial sino-américain. Ce nouveau couac dans les relations sino-américaines a évidemment impacté sans délai les places boursières mondiales. Contrairement aux annonces habituelles du gouvernement chinois, la visite de Kim dont on ne sait si elle est officielle ou non a été annoncée hier de manière assez sibylline, laissant dans l'ombre le fait que cette présence du dirigeant nord-coréen ne comporte ni programme ni rencontre prévue avec le président chinois Xi Jinping.»Nous espérons que cette visite contribuera à approfondir la relation entre la Chine et la Corée du Nord et à renforcer notre communication stratégique sur les grandes questions afin de promouvoir la paix et la stabilité régionales», s'est borné à déclarer devant la presse, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang. La résidence d'Etat où est habituellement accueilli Kim Jong-Un, était sous haute protection comme ce fut déjà le cas à la fin du mois de mars dernier lorsqu'il effectua son premier déplacement à l'étranger, suivi d'une visite quelques semaines plus tard, dans la ville portuaire de Dalian, dans le nord-est de la Chine. Il avait, à cette occasion, rencontré le président chinois Xi Jinping, pour la première fois depuis leur arrivée l'un et l'autre au pouvoir, au début de la décennie. Il est vrai que, des années durant, Pyongyang a tenu rigueur à Pékin de mettre en application les sanctions décrétées par le Conseil de sécurité de l'ONU pour contraindre la Corée du Nord à abandonner son programme nucléaire.Il semble que le sommet de Singapour ait balisé la voie à des rapports plus détendus de Pyongyang aussi bien avec Washington qu'avec Pékin qui soutient fortement la démarche de Kim Jong-un dans sa négociation d'une levée rapide des sanctions internationales en échange des promesses de dénucléarisation. La diplomatie chinoise, en écho à celle de la Russie, avait laissé entendre, la semaine dernière, que l'ONU devrait envisager l'allègement des sanctions si Pyongyang se conforme à ses obligations. Principale alliée de la Corée du Nord depuis la guerre de Corée (1950-1953), la Chine n'a pas caché sa volonté de peser fortement sur les négociations en cours, à la fois dans les arcanes diplomatiques et dans les pourparlers stratégiques. Le meilleur symbole de cette présence active aura été exprimé avec l'arrivée de Kim Jong-un à Singapour à bord d'un appareil d'Air China. La rencontre historique de Kim avec Donald Trump a aussi conforté la Chine dans sa démarche pragmatique, soutenant l'engagement de la Coré du Nord «ferme et inébranlable envers la dénucléarisation de la péninsule» et garantissant parallèlement sa sécurité et son droit à une relance concomitante de son développement grâce à une coopération internationale affranchie des contraintes imposées jusque-là par les Nations Unies. Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a beau avoir exclu cette levée graduelle des sanctions économiques drastiques imposées à la Corée du Nord au fil de ses essais nucléaires et balistiques «avant une dénucléarisation complète», il n'en demeure pas moins que l'objectif de Donald Trump vise réellement à accélérer le processus en utilisant l'allègement des sanctions comme un argument indispensable à l'instauration d'une certaine «confiance». En témoigne, l'annonce hier par Washington et Séoul de la fin des exercices militaires conjoints comme n'a cessé de le réclamer Pyongyang. Trump ayant sans cesse appelé la Chine à appliquer les sanctions onusiennes à la Corée du Nord pour la faire plier, et ce dés le premier jour de son installation à la Maison Blanche, il doit aujourd'hui compter avec une situation tendue et même une menace de guerre économique totale dans la mesure où Pékin rejette le «chantage» commercial de Washington qui entend taxer des dizaines de milliards de dollars d'importations chinoises. La priorité de Xi Jinping et de Kim Jong- Un sera donc de déterminer en commun la marche à suivre, face à une administration Trump qui réclame le maximum en échange du minimum. Un processus de dénucléarisation irréversible et vérifiable risque, en effet, de mettre la Corée du Nord en porte-à-faux et de se retrouver dans la même situation que l'Irak ou la Libye et cela, ni Kim Jong-un ni Xi Jinping n'en veulent à tout prix. C'est pourquoi, officielle ou pas, la rencontre à Pékin des deux dirigeants va être consacrée à une communication mutuellement affinée ainsi qu'à une stratégie commune face aux Etats-Unis. On se souvient que c'est bien Pékin qui a prôné sans cesse le dialogue entre Kim et Trump, au pire moment des invectives et des menaces d'anéantissement réciproque et que c'est également la Chine qui a demandé la fin des manoeuvres militaires conjointes américano-sud-coréennes en échange d'une dénucléarisation progressive de Pyongyang. Un programme que le président américain a en fin de compte adopté, puisqu'il est question en même temps que l'annonce de la fin de ces exercices militaires d'un prochain départ des troupes américaines cantonnées dans la péninsule depuis 1950!