Le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi est arrivé mercredi à Pyongyang, une première depuis 11 ans, à l'heure où Pékin et Pyongyang renforcent leurs liens après l'historique sommet intercoréen. Cette visite de deux jours intervient sur fond de frénésie diplomatique sur la péninsule, à quelques semaines d'une rencontre historique entre le leader nord-coréen Kim Jong Un et le président américain Donald Trump. M. Wang, qui devait rencontrer son homologue nord-coréen Ri Yong Ho, a été accueilli à l'aéroport de Pyongyang par le vice-ministre nord-coréen des Affaires étrangères Ri Kil Song et d'autres responsables. Wang Yi et Ri Yong Ho s'étaient déjà rencontrés début avril à Pékin, quelques jours après la visite en Chine du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un. M. Kim, qui effectuait alors son premier déplacement à l'étranger depuis son arrivée au pouvoir fin 2011, avait rencontré le président chinois Xi Jinping. Wang Yi est le premier ministre chinois des Affaires étrangères à se rendre en Corée du Nord depuis 2007. Une rareté qui symbolise les relations bilatérales parfois fluctuantes entre les deux ex-alliés de la guerre de Corée (1950-1953). L'ancien Premier ministre chinois Wen Jiabao avait effectué une visite à Pyongyang en 2009. La Chine est, de loin, le principal soutien diplomatique et économique de la Corée du Nord. Mais, exaspérée par les essais nucléaires nord-coréens, elle applique fermement les sanctions économiques de l'ONU, destinées à enrayer les programmes balistique et atomique de Pyongyang. En parallèle, Pékin appelle inlassablement à résoudre la crise "par le dialogue et la négociation", s'opposant à toute intervention armée. La Chine a ainsi chaudement salué la spectaculaire rencontre de vendredi entre Kim Jong Un et le président sud-coréen Moon Jae-in. Elle a loué "leur courage" et jugé "historique" leur poignée de main sur la ligne de démarcation divisant la péninsule. M. Kim a été à cette occasion le premier dirigeant nord-coréen à fouler le sol sud-coréen depuis la guerre de Corée, conflit auquel la Chine avait pris part aux côtés du Nord. Les dirigeants des deux Corées se sont engagés à œuvrer en faveur de la dénucléarisation de la péninsule. La Chine entend ne pas être marginalisée par la spectaculaire détente en cours. Selon de nombreux analystes, elle est inquiète qu'un accord Pyongyang-Washington se fasse à ses dépens. Pékin soutient la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Mais voit également la Corée du Nord comme un Etat tampon entre elle et le Sud, où sont stationnés 28.500 soldats américains.
La paix n'implique pas le départ des soldats américains Le président sud-coréen Moon Jae-in a rejeté mercredi l'idée d'un départ des dizaines de milliers de soldats américains présents en Corée du Sud en cas de traité de paix avec le Nord. Ces déclarations interviennent alors que Séoul a confirmé le même jour le déploiement de plusieurs avions de chasse furtifs américains F-22 "Raptor" au Sud pour des manœuvres aériennes conjointes. Nord et Sud sont toujours techniquement en guerre, car les armes se sont tues en 1953 non pas grâce à un accord de paix, mais en vertu d'un armistice. M. Moon et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un ont convenu vendredi dernier lors d'un sommet historique d'œuvrer à l'avènement d'une paix durable. "Les Forces américaines en Corée (USFK) sont un sujet qui relève de l'alliance entre la Corée du Sud et les Etats-Unis. Cela n'a rien à voir avec la signature d'un traité de paix", a déclaré M. Moon, en référence à l'accord bilatéral autorisant la présence de 28.500 militaires américains au Sud. Cette mise au point intervient après qu'un conseiller présidentiel eut ouvertement déclaré que la présence des soldats, marins et aviateurs américains serait remise en question en cas de traité de paix avec Pyongyang. Moon Cung-in avait écrit dans le magazine Foreign Affairs qu'il serait "difficile de justifier le maintien (des forces américaines) en Corée du Sud" après la signature de la paix avec Pyongyang. La Maison bleue, siège de la présidence sud-coréenne, a demandé à son conseiller de "ne pas provoquer davantage de confusion", a déclaré son porte-parole Kim Eui-kyeom.
Avions furtifs américains Après des années de montée des tensions sur les programmes nucléaire et balistique nord-coréens, la péninsule connaît depuis le début de l'année une remarquable détente, qui a été illustrée par le sommet intercoréen de vendredi dernier. Il devrait être le prélude à une rencontre encore plus attendue entre M. Kim et le président américain Donald Trump. Ce dernier a affirmé mardi que la date et le lieu de ce sommet serait annoncée sous peu. Mercredi, la Corée du Sud a confirmé le déploiement d'avions de chasse américains F-22 "Raptor" pour des exercices aériens conjoints, "Max Thunder". Des F-22 "Raptor" avaient déjà survolé la Corée du Sud en décembre quand les deux alliés avaient organisé leurs plus importants exercices aériens, quelques jours après le tir d'un missile balistique intercontinental (ICBM) nord-coréen susceptible de frapper le territoire continental des Etats-Unis. La Corée du Nord réagit toujours vivement au déploiement d'avions furtifs américains qui peuvent selon elle être utilisés pour des frappes chirurgicales sur des cibles nord-coréennes. Mais Kim Jong Un s'est vraisemblablement montré plus conciliant quant aux manœuvres au Sud, disant en mars à l'émissaire sud-coréen Chung Eui-yong qu'il comprenait le besoin pour Washington et Séoul de réaliser des exercices conjoints. Les exercices aériens "Max Thunder" débuteront le 11 mai pour deux semaines. Ils sont censés impliquer une centaine d'avions des deux pays. "Max Thunder est un exercice régulier qui était prévu bien avant que n'émerge le projet de sommet entre les Etats-Unis et la Corée du Nord", a indiqué dans un communiqué le ministère sud-coréen de la Défense. Il a exhorté les médias à ne pas verser dans les "spéculations" quant aux intentions de ce déploiement. Le quotidien conservateur Chosun Ilbo avait avancé que ce déploiement visait à accroître la pression sur la Corée du Nord avant la rencontre MM. Trump et Kim. Le village de Panmunjom dans la Zone démilitarisée (DMZ) séparant les deux Corées, qui a accueilli vendredi dernier le sommet intercoréen, est cité comme le théâtre possible de la réunion entre MM. Kim et Trump. Le Chosun Ilbo a avancé que l'arrivée des chasseurs F-22 pourrait aussi être destinée à renforcer la sécurité pour le cas où le sommet se tiendrait à Panmunjom.