Organisée par la France sous l'égide des Nations unies, la réunion des parties libyennes à Paris, le 29 mai dernier, semblait avoir surmonté les difficultés habituelles du «dialogue inclusif». Malgré les rivalités et les appétits des uns et des autres, un document avait été conclu sous forme de «Déclaration solennelle» qui concernait, notamment la mise en oeuvre de la feuille de route soumise par l'envoyé spécial de l'ONU, Ghassan Salamé, au Conseil de sécurité, en décembre 2017. Dans cette Déclaration solennelle de Paris, bizarrement approuvée juste oralement, il y avait enfin une date pour la tenue des élections législatives et présidentielle- le 10 décembre 2018 - et il y avait aussi un consensus sur les modalités pratiques d'organisation des deux consultations. Pressés par le Conseil de sécurité, les protagonistes dont le maréchal Haftar et le président du Parlement libyen, Saleh Aguila, d'un côté, le président du Conseil présidentiel et Premier ministre, Fayez al Serraj, de l'autre, s'engageaient à respecter la feuille de route devant une vingtaine de pays et quatre organisations internationales. Un succès, avait-on alors proclamé, sans doute un peu vite compte tenu de la complexité de la situation. «C'est une réunion historique» s'était exclamé Ghassan Salamé durant la conférence de presse qui a suivi tandis que le président français Emmanuel Macron saluait «une étape-clé pour la réconciliation», dans un pays devenu une «priorité diplomatique... parce que, parfois, nous nous sommes substitués à sa souveraineté». Quelle surprise alors, lorsque le maréchal Haftar, prenant prétexte de la mainmise de l'Armée nationale libyenne sur le Croissant pétrolier, a annoncé en juin dernier qu'il «confiait la gestion des terminaux et les exportations» du pétrole libyen aux autorités de l'Est, arguant de son mécontentement quant à la manière dont la NOC, compagnie nationale, distribue les recettes. En réalité, ces dividendes sont gérés, depuis au moins deux ans, par le GNA qui tente d'en faire profiter toutes les parties, y compris celles qui lui sont hostiles comme certaines milices du Sud-Est du pays. Le maréchal outragé est vite revenu à de meilleurs sentiments en rendant à César ce qui appartient à Jules, mais son coup d'éclat, pour aussi intempestif qu'il semble être, a le mérite d'illustrer la complexité de la situation dans un pays où la menace sécuritaire ne pèse pas uniquement sur l'Europe, mais d'abord et surtout sur les pays voisins de la Libye. En témoignent les multiples et constants efforts de la diplomatie algérienne, conjugués à ceux de la Tunisie et de l'Egypte, dans le cadre plus large de la médiation onusienne que soutient le Haut Comité pour la Libye de l'Union africaine, pour tenter de parvenir à un consensus effectif à même de concrétiser une paix et une stabilité tant attendue.