Après une période de crispation, Algériens et Français s'emploient à dédramatiser la situation. Il est vrai que la loi du 23 février dernier adoptée par le Parlement français avait quelque peu brouillé les cartes et perturbé un climat alors serein et au beau fixe. L'Algérie et la France qui doivent, en principe, signer un traité d'amitié, avant la fin de l'année n'avaient pas, à l'évidence, besoin de ce surplus d'incompréhension. Faisant la part des choses, les Français font valoir leur détermination à parvenir à des relations exemplaires avec l'Algérie. Ainsi, dans un message adressé samedi au président Abdelaziz Bouteflika, le chef de l'Etat français, Jacques Chirac, souligne que la relation qui unit l'Algérie et la France «doit se développer sur la base de l'amitié, de la confiance et de la coopération». Répondant au message de voeux de prompt rétablissement que lui a adressé le président algérien, lors de sa brève hospitalisation, le président Chirac écrit par ailleurs qu' «à l'image de la relation que nous avons nouée, celle qui unit nos deux pays doit se développer sur la base de l'amitié, de la confiance et de la coopération». Le président français ajoute d'autre part, «vous connaissez mon engagement, qui rejoint le vôtre, à promouvoir notre partenariat d'exception», M.Chirac se disant «convaincu que les mois qui viennent nous permettront d'aboutir». Quelques jours plus tôt, lors de la campagne référendaire pour la charte pour la réconciliation nationale, le président Bouteflika avait de nouveau assuré à Tizi Ouzou, que «pour peu que la France reconnaisse ses responsabilités dans les dégâts de la colonisation et de la guerre de libération, nous sommes prêts à signer un traité d'amitié définitif», avec la France. Toutefois, autant le président Bouteflika que les Algériens estiment que la France a aujourd'hui un devoir, celui de demander pardon aux Algériens pour le s commises en Algérie tout au long des 132 années de présence française. C'est là un fait douloureux qui est partie prenante de l'histoire de nos deux pays et de nos deux peuples, car si cette page de notre histoire commune peut être tournée, -et une demande de pardon y aiderait beaucoup-, elle ne peut ni être déchirée ni oubliée. Un traité d'amitié entre nos deux pays gagnerait donc à se faire dans la clarté et surtout par le fait pour chacun, autant la France que l'Algérie, d'assumer leur Histoire et les responsabilités qui leur sont inhérentes dans la tragédie coloniale. Aussi, d'un côté comme de l'autre, s'attache-t-on à calmer le jeu, pour mieux se concentrer sur la mise en oeuvre d'une étape qui va engager l'Algérie et la France pour le long terme. Revenant sur cette question, lors de sa visite au Maroc, le Premier ministre français, Dominique de Villepin, a affirmé que le traité d'amitié algéro-français n'est ni suspendu ni ajourné, mais que «nous continuons de travailler dans l'intérêt des deux pays». M de Villepin souligna à propos de la reconnaissance par la France des massacres de civils algériens, que «nous sommes tout à fait désireux d'avancer dans cette voie, et c'est bien là l'objectif de la France comme de l'Algérie» précisant «nous sommes donc tout à fait engagés dans ce domaine». Longtemps réticente, la France envisage désormais positivement l'examen des exigences algériennes quant à la question de s françaises durant la colonisation et le pardon qui est demandé au peuple algérien. Dans une déclaration à la presse faite vendredi dernier, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, a indiqué que la question «peut très bien être traitée» pendant les négociations entre les deux pays sur un traité d'amitié. Et Jean-Baptiste Mattéi d'ajouter: «Ce genre de question peut très bien être traitée pendant ces discussions et pendant ces négociations». Le diplomate français de conclure: «s'il y a des demandes côté algérien, les autorités algériennes ont des interlocuteurs français pour les négociations de ce traité d'amitié.» De fait, un traité d'amitié entre les deux pays ne ferait que renforcer des relations qui, sans doute, ont connu plus de bas que de hauts, mais qui sont en réalité incontournables tant pour la France, qui a besoin d'un partenaire de la dimension de l'Algérie, que pour Alger dont des centaines de milliers de ressortissants vivent de l'autre côté de la Méditerranée. D'ailleurs, à l'heure où la France est confrontée à l'épreuve du terrorisme international, le partenariat avec un pays qui a su venir à bout de ce fléau, par ses seuls moyens, est en fait capital. L'affaire des islamistes du Gspc arrêtés la semaine dernière en France, grâce à des informations des services de sécurité algériens, témoigne de ce que peut être un partenariat algéro-français. De fait, la France a tout à gagner en normalisant ses relations (politiques, économiques et commerciales, culturelles) avec un Etat qui est après la France, le plus grand pays francophone du monde.