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Frank Laurent (Universitaire et auteur)
« Toutes sortes d'exotismes »
Publié dans El Watan le 24 - 04 - 2008

Il vient de publier une monumentale anthologie* sur les voyageurs français dans l'Algérie de la période coloniale.
Votre travail s'étend sur un siècle, de la conquête en 1830 à son centenaire. Pourquoi ce choix ?
Cette période m'intéressait tout particulièrement. Elle permet de poser dans toute sa crudité une question essentielle à la littérature et à la pratique du voyage : qu'est-ce que voyager dans un pays soumis à la domination coloniale de sa propre nation ? Cette question, tous les auteurs ici recueillis se la posent, plus ou moins clairement. Leurs réponses varient beaucoup. Plus généralement, je crois qu'il est devenu très important de connaître mieux cette période historique, souvent écrasée par son dénouement. En France comme en Algérie, on sait forcément « des choses » sur la guerre d'indépendance algérienne : on a vu des films, lu des livres, entendu des débats télévisés, des témoignages… Mais sur la période coloniale, dans sa durée et son épaisseur, le plus souvent on n'a guère en tête que quelques images, quelques clichés, quelques noms... Disons-le tout net : je n'éprouve aucune nostalgie d'aucune sorte pour l'Algérie coloniale. Mais je crois sincèrement que l'étude sérieuse et détaillée, s'attachant à faire apparaître les évolutions, les complexités, les nuances et les contradictions d'une période, est l'un des meilleurs moyens de dépasser le « conflit des mémoires » - nécessairement partielles, partiales, voire mythifiées.
Ce voyageur qui vient alors en Algérie, quel est son profil, quelles sont ses motivations ?
En fait, il n'y a pas UN voyageur-type et c'est cela qui est intéressant. Cela dépend du moment : on ne va pas en Algérie en 1830 comme en 1930. Beaucoup de choses ont changé en un siècle, dans la réalité algérienne bien sûr, mais tout autant dans le regard des métropolitains sur l'Algérie. Cela dépend aussi de l'espace : un voyageur qui s'aventure au Sahara n'a ni les mêmes motivations, ni la même expérience, ni le même regard, que celui qui villégiature à Alger ou à Oran. Cela dépend aussi de l'identité sociale, professionnelle, du voyageur sans compter la distinction homme-femme. Et cela dépend de l'individualité de chacun : au même moment, le propos sur l'Algérie peut varier considérablement d'un militaire à l'autre, d'un écrivain à l'autre. Et les différents voyages d'un même écrivain peuvent fort bien ne pas du tout se ressembler (le cas de Maupassant). Il y a bien sûr des constantes, notamment idéologiques, mais les variations importent autant que les constantes et font aussi partie de l'histoire. Cela dit, j'ai surtout retenu des récits d'écrivains pour comparer des textes comparables. Et puis parce que quand même c'est surtout chez eux, certains au moins, que l'on trouve les plus belles pages et aussi parfois les commentaires les moins attendus, les regards les moins convenus. Alors, pour se limiter aux écrivains, je dirais que leurs motivations principales sont : le désir de témoignage et surtout le désir d'ailleurs, l'exotisme en somme, tout bêtement. Mais,bien sûr, il y a toutes sortes d'exotismes : depuis celui, souvent léger et superficiel (mais pas toujours) du touriste à celui profond, engageant une vie, une identité, qui pousse à se trouver soi-même, pour s'inventer (notamment l'expérience d'Isabelle Eberhardt).
On remarque des contrastes énormes entre les écrits de certains militaires et d'autres entre certains littéraires…
C'est le contraire qui serait étonnant. Tout le monde n'est pas formé sur le même moule heureusement. Cela vaut pour les militaires comme pour les écrivains. Et l'Algérie, hier comme aujourd'hui, c'est grand, divers, compliqué. Même si l'on se « limite » à l'évaluation du phénomène colonial, même si l'on admet que se développe en France, disons entre les années 1870 et les années 1930, un certain consensus colonial (ce qui doit sans doute être modulé), il ne faut pas oublier qu'il y a alors bien des manières de concevoir et de pratiquer la domination coloniale. On dira que ce sont des différences de détail — et sans doute, de notre point de vue contemporain, on n'aura pas tort —. Mais quand on se reporte dans le passé, quand on essaie de comprendre les représentations, les mentalités, les sensibilités et même les pratiques, on ne peut pas légitimement mettre tout et tous dans le même sac comme on dit. Ces « détails », ils portent souvent sur des choses importantes : propriété des terres, droit de vote, droits culturels et linguistiques, etc. Ce qui vaut pour les métropolitains vaut aussi pour les Français d'Algérie. On aura du mal à me faire admettre que Camus et Susini, c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Pour revenir aux voyageurs, peut-être y a-t-il aussi et surtout, au-delà de leurs « différences d'opinion », des différences de sensibilité ? Ceux qui ne voient que ce qu'ils veulent bien voir, et puis… les autres. Je pense par exemple à quelqu'un comme Montherlant (pour moi une bonne surprise quand je travaillais à cette anthologie), tellement admirateur du mode de vie algérois des années 1920, mais tellement prompt à saisir toutes les humiliations quotidiennes dont sont victimes les « indigènes », comme on disait, et à leur donner tout leur terrible sens.
D'après vous, l'image de l'Algérie a-t-elle changé dans le regard des Français, ou reste-t-elle brouillée par les clichés coloniaux ?
Bien sûr qu'elle a changé ! 178 années nous séparent de la prise d'Alger, au moins trois vies d'homme ! Il paraît que les Français sont conservateurs, mais pas à ce point ! L'image de l'Algérie a déjà changé au cours de la période coloniale. Vers 1830, elle relève surtout de l'orientalisme romantique : on rêve architecture arabo-andalouse, pirates barbaresques, cavaliers du désert, spiritualité orientale, mystère féminin entrevu au travers du voile des Mille et Une Nuits… Tout cela devient très minoritaire dans les représentations, pendant la colonisation et d'ailleurs en grande partie à cause d'elle. Ce qui peut-être demeure aujourd'hui encore plus ou moins présent dans les mentalités, ce seraient les souvenirs diffus de la société coloniale « moderne » (disons, pour aller vite, à partir de 1900) et surtout les restes traumatiques de ce qu'on appelle en France « la guerre d'Algérie ». Depuis dix ou vingt ans, tout un courant de pensées tente d'expliquer les difficultés de la société française à vivre son immigration la plus récente par ses difficultés à « digérer » son passé colonial. L'hypothèse est séduisante et sans doute pertinente, au moins jusqu'à un certain point. Reste à savoir jusqu'à quel point. Car je ne suis pas sûr que ce soit le « sésame » absolu du problème. D'autant que, dans ce passé colonial, l'Algérie constitue à l'évidence un cas particulier. Du fait de son statut à part dans l'histoire coloniale française, bien sûr. Mais aussi depuis l'indépendance. Je crois qu'il faudrait réfléchir davantage sur la segmentation des images de l'Algérie dans la France actuelle.
Que voulez-vous dire par là ?
D'abord, qui aujourd'hui en France a une expérience un tant soit peu personnelle de l'Algérie ? Les Français d'origine algérienne ou les Algériens vivant en France ; Les Français nés en Algérie, « rapatriés » autour de 1962 ; d'anciens coopérants, des militants « tiers-mondistes » (ces deux se recoupant pour partie) ; des techniciens de l'industrie pétrochimique ; des hommes d'affaires (pas très nombreux) ; quelques hommes politiques et quelques universitaires spécialisés. A la fois beaucoup de monde, et pas tant que ça. Peu par rapport à l'ensemble de la société française. Mais beaucoup qualitativement, parce qu'au moins certaines de ces catégories entretiennent un rapport très fort, voire très passionnel à l'Algérie et que pour elles, le rapport au passé colonial est surdéterminant et profondément conflictuel. Mais pour le reste de la population ? On va manger un couscous ou on écoute du raï… C'est important bien sûr, parce qu'un Français peut aimer vraiment le couscous ou le raï algérien. Mais cela passe davantage par la « diaspora » algérienne que par un rapport direct à l'Algérie d'aujourd'hui. Alors ce que dans leur majorité les Français savent ou croient savoir de l'Algérie contemporaine, ils le doivent aux mass-médias. Et, quand ces médias leur parlent de l'Algérie, c'est pour évoquer « la guerre d'Algérie », ou l'actualité plus ou moins tragique. Bref, pour la majorité de la population française, l'Algérie est un espace tragique - à distance. Quels Français voyagent en Algérie aujourd'hui, excepté des représentants plus ou moins nombreux des catégories citées ? Peut-être que pour changer un peu l'image de l'Algérie en France, la dédramatiser, pour cesser quelque peu de la rapporter sans cesse au passé, davantage de voyageurs en Algérie ne nuiraient pas. Des voyageurs qui n'y iraient pas pour de grandes raisons de fidélité identitaires ou politiques, ni pour faire de l'argent, mais comme ça, juste pour voir. Des touristes, en somme. Pourquoi pas ?
*Franck Laurent, Le voyage en Algérie, anthologie de voyageurs français dans l'Algérie coloniale 1830- 1930. Ed. Robert Laffont, Coll. Bouquins, Paris, février 2008.
Repères
Né en 1962, Franck Laurent est maître de conférences en littérature française. Il enseigne au Mans et vit à Paris. Spécialiste de Victor Hugo, de Michelet et des rapports entre littérature et politique aux XIXe et XXe siècles, il est notamment l'auteur de Victor Hugo face à la conquête de l'Algérie (Maisonneuve et Larose, Paris, 2001). Il a donné plusieurs conférences à Alger et Annaba en 2002, participé au colloque « Autobiographie en situation d'interculturalité » (département de Français, Université d'Alger, 2003), participé au programme de l'Ecole doctorale algéro-française en 2005 et 2006. Poète, il a publié dans diverses revues françaises, suisses et belges. Son premier recueil, Après le paysage (Le Castor astral éd.) a reçu le prix Max-Pol Fouchet en 2005. Il a participé à la rencontre poétique organisée fin 2003 à Timimoun et Adrar (textes parus dans Poètes des déserts, Fondation Déserts du Monde, Alger, 2006.)


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