Sous le régime militaire de Siad Barre, la Somalie a soutenu l'Erythrée lors de sa guerre d'indépendance contre l'Ethiopie. Mais après la chute de Siad Barre en 1991, la Somalie a sombré dans le chaos et l'Erythrée et l'Ethiopie se sont affrontées dans un nouveau conflit, en 1998, qui a fait 80.000 morts. L'Erythrée et la Somalie ont signé hier à Asmara un accord portant sur l'établissement de relations diplomatiques après plus d'une décennie de tensions, ce qui marque une nouvelle étape dans le réchauffement des relations entre pays de la Corne de l'Afrique. Cet accord a été signé à l'occasion de la visite à Asmara du président somalien Mohamed Abdullahi Mohamed, dit «Farmajo», la première d'un chef de l'Etat somalien depuis l'indépendance de l'Erythrée en 1993. Il s'agit d'un nouveau signe des bouleversements positifs que connaît la Corne de l'Afrique après le rapprochement spectaculaire intervenu ces dernières semaines entre l'Erythrée et l'Ethiopie. Signé lundi par M. Farmajo et le président érythréen Issaias Afeworki, cet accord intitulé «déclaration sur des relations fraternelles» prévoit que «les deux pays établiront des relations diplomatiques et échangeront des ambassadeurs». La visite du chef de l'Etat somalien fait suite au dégel entre l'Erythrée et l'Ethiopie, qui ont signé le 9 juillet une déclaration commune mettant fin à près de deux décennies d'état de guerre. Ces deux pays ont depuis restauré leurs relations diplomatiques et repris les premiers vols commerciaux entre Addis Abeba et Asmara. L'histoire récente de ces trois nations est entremêlée. Sous le régime militaire de Siad Barre, la Somalie a soutenu l'Erythrée lors de sa guerre d'indépendance contre l'Ethiopie. Mais après la chute de Siad Barre en 1991, la Somalie a sombré dans le chaos et l'Erythrée et l'Ethiopie se sont affrontées dans un nouveau conflit en 1998-2000, qui a fait quelque 80 000 morts. Puis vers le milieu des années 2000, la Somalie est devenue le lieu d'une guerre par procuration entre Addis Abeba et Asmara. L'Ethiopie a soutenu un fragile gouvernement intérimaire à Mogadiscio, pendant que l'Erythrée a été accusée de soutenir les militants islamistes qui cherchaient à le renverser. Ces accusations ont valu à l'Erythrée d'être placée en 2009 sous le coup de sanctions de l'ONU pour son soutien présumé aux islamistes shebab, affiliés à Al-Qaïda. Ces sanctions imposent notamment des gels d'avoirs et des interdictions de voyage à l'étranger pour des responsables politiques et militaires, ainsi qu'un embargo sur les armes. Mais Asmara a toujours contesté ces accusations et les derniers rapports des experts de l'ONU montrent qu'il n'existe pas de preuves d'un tel soutien. L'accord signé hier cherche à tirer une page sur ce passé. Il affirme notamment que «l'Erythrée soutient fermement l'indépendance politique, la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Somalie, ainsi que les efforts des Somaliens et de leur gouvernement pour restaurer la stature légitime de leur pays et pour répondre aux nobles aspirations de leur peuple». Cette déclaration, mise en ligne sur le site Internet du ministère érythréen de l'Information, ajoute que les deux pays «s'efforceront de forger une coopération approfondie dans les domaines de la politique, de l'économie, du social, de la culture, de la défense et de la sécurité». Ils promettent également «d'oeuvrer de concert pour promouvoir la paix, la stabilité et l'intégration économique dans la région.» Lors d'un dîner officiel dimanche, M. Issaias a estimé que «l'époque des crises, du conflit et de l'instabilité n'est pas intrinsèquement soutenable». «En tant que telle, elle approche de la fin. Nous entrons en effet dans une nouvelle phase, transitoire», a-t-il ajouté. Cette nouvelle donne régionale a été impulsée par le nouveau Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed. Arrivé au pouvoir en avril, ce jeune réformateur a amorcé le rapprochement entre son pays et l'Erythrée. L'Ethiopie a déjà formellement demandé à l'ONU que les sanctions à l'encontre de l'Erythrée soient levées. Et le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a laissé entendre que ces sanctions pourraient n'être plus justifiées. Djibouti, un autre pays de la Corne de l'Afrique, rival d'Asmara, a par ailleurs demandé à l'ONU sa médiation pour régler le différend territorial qui l'oppose à l'Erythrée.