Au plus fort du sommet Chine-Afrique, le FMI et la Banque mondiale ont cru bon de sonner l'alarme sur le thème récurrent du surendettement des pays du continent dont les dépenses liées au service de la dette capturent 11% des recettes contre 4% en 2011, selon l'agence de notation S&P. Objectif de l'alerte intempestive, menée sur un rythme de soul music dans les fora internationaux consacrés au développement, la mise à l'index de la Chine qui serait devenue le créancier majeur de la plupart des pays subsahariens. Le FMI, par exemple, considère que six d'entre eux sont déjà dans une phase de surendettement quand ils n'étaient que deux en 2013 et il tire, de ce fait, des conclusions alarmantes qu'il présente comme parfaitement justifiées. De là à préconiser la mise en oeuvre immédiate d'un plan d'ajustement structurel, il n'y a qu'un pas, vite franchi ces dernières quarante-huit heures, avec un parfait timing dans les déclarations des différentes institutions internationales, ce qui rend le discours encore plus suspect par rapport à la tenue du Forum de Pékin. Non, l'Afrique n'est pas partie pour retomber dans les douloureux tourments des années 80 et les Etats qui coopèrent avec la Chine ne courent pas les mêmes risques qu'ils ont lourdement payés avec les organisations supranationales qui poussent à l'abandon de la souveraineté et à un diktat économique, synonyme d'explosion sociale. L'inquiétude manifestée par leurs représentants ces dernières heures est par trop édifiante pour être considérée comme honnête et effective. Que de fois n'ont-ils pas, en effet, poussé la rengaine en ce qui concerne l'Algérie, appelant à une politique d'endettement extérieur qui ouvrirait de nouveau la voie aux tristes conséquences des années 90! Ce qui semble inquiéter ces majors, c'est bien le fait que la Chine entend poursuivre sa stratégie de développement en Afrique comme vient de l'annoncer le président Xi Jinping, à l'ouverture du sommet de Pékin. Elle va consacrer 60 milliards de dollars supplémentaires au développement économique des pays africains, ce qui peut sembler dérisoire par rapport aux besoins réels des pays concernés mais, rapporté aux investissements des anciennes puissances coloniales, par exemple, apparaît sous un tout autre jour. Ce geste du géant asiatique comprend, il convient de le souligner, une somme de 15 milliards de dollars «d'aide gratuite et de prêts sans intérêts», comme l'a souligné M. Xi, au moment où la Chine est volontiers accusée d'imposer à ses partenaires un endettement intenable, via des crédits asphyxiants. Dans son allocution d'ouverture du septième «Forum sur la coopération sino-africaine», le président chinois a clairement répondu aux critiques mettant en cause la stratégie de son pays dans le continent et il a ainsi voulu désamorcer les missiles téléguidés en vue de dissuader les pays africains en quête de développement et prêts à coopérer pour cela avec la Chine. Le fait même que le président Xi Jinping ait évoqué l'intention de son gouvernement d'annuler une partie de la dette dont il est aujourd'hui fortement question est aussitôt happé sous une pluie de questionnements assortis de reproches plus ou moins explicites: quel est le calendrier, quels sont les pays concernés par cette annulation pour l'instant «théorique» et dans quelle mesure l'effacement sera-t-il bénéfique? Toujours est-il que sur les 60 milliards de dollars de financements supplémentaires annoncés, figurent des lignes de crédit de 20 milliards de dollars. Deux fonds, consacrés à la finance du développement et au financement des importations de biens africains, seront également établis, pour un montant cumulé de 15 milliards de dollars. Enfin, les entreprises chinoises vont être amenées à investir «au moins 10 milliards de dollars» en Afrique durant les trois prochaines années. Avec ces promesses, Xi Jinping entend confirmer les engagements énoncés à Johannesburg, en 2015, lesquels se sont traduits par de nombreux projets réalisés ou en chantier dans plusieurs pays africains dont l'Algérie, que ce soit dans le batiment, les routes, le chemin de fer ou les ports. Selon le cabinet américain China Africa Research Initiative (Cari), basé à Washington, la Chine a prêté à l'Afrique un total de 125 milliards de dollars entre 2000 et 2016, pour la réalisation de ces différents projets. Mais la réponse aux préoccupatiions occidentales est venue du président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui a balayé le grief de puissance «néo-coloniale» dont on entend affubler la coopération chinoise avec l'Afrique, pour des desseins faciles à deviner.