Décidément, le thème de la vieillesse et de l'amour, ajouté à celui de l'émigration prennent une grande part actuellement dans le riche programme des RCB. On citera d'abord le romantique long métrage fiction Jusqu'à la fin des temps de Yasmine Chouikh où il est question d'une romance interrompue entre deux personnes d'un certain âge. Il s'agit de Ali un fossoyeur septuagénaire et gardien du cimetière appelé Sidi Boulekbour et Djoher, veuve septuagénaire qui visite pour la première fois ce cimetière pour se recueillir sur la tombe de sa soeur, morte après avoir fui son foyer familial. Leur rencontre est motivée au départ par le désir de Djoher de préparer, de son vivant, ses funérailles. Ainsi, elle sollicite l'aide d'Ali...Ce film, qui bouscule l'ordre des idées reçues sur l'amour, remet en question de façon subtile, rehaussée d'humour, la notion de conservatisme qui prévaut dans nos sociétés. Sans vouloir donner de leçons la réalisatrice aspire à faire prendre conscience aux gens leur intolérance vis-à-vis d'autrui et a fortiori envers les personnes âgées. Mais pas seulement. Car à côté il sera question aussi d'une autre histoire d'amour et de regard inquisiteur sur une femme dont l'image qu'elle renvoie n'est pas celle qu'elle est vraiment. Yasmine Chouikh se joue de ces idées reçues qui codifient notre façon de se comporter, de s'habiller, bref de vivre tout simplement! Après le franc succès qu'a enregistré le film à Alger, à Oran, dans les autres villes algériennes, mais aussi à l'étranger, Jusqu'à la fin des temps a fait l'unanimité auprés du public béjaoui. Autre fiction qui rappellera à quelques traits prés le film de Yasmine Chouikh est Paris la blanche de Lidia Leber Terki. Réalisé en 2017, ce film suit les péripéties de Rekia Rekia, soixante-dix ans, qui, se retrouvant sans nouvelles de son mari, quitte pour la première fois l'Algérie afin de ramener Nour, son mari, au village en Kabylie. Son mari a quitté l'Algérie depuis 48 ans et pourtant il continue à lui envoyer, toutes les fins de mois, de l'argent et se rendre de temps en temps au pays. Mais l'homme qu'elle finit par retrouver enfin à Paris dans un foyer est devenu un étranger. Loin des clichés sur les émigrés et l'image négative qui leur colle à la peau, Rekia fera la rencontre d'une bande de réfugiés dont une jeune femme française d'origine algérienne, qui va tout faire en sorte pour la réconforter et l'aider. Elle sera hébergée, entourée de refugiés de nombreuses nationalités. Un seul point commun les réunit, le sentiment de solidarité et de compassion envers autrui. Le film qui porte ainsi sur les émigrations, porte un regard bien tendre sur ce vieux couple qui va enfin se retrouver et se reconstituer l'instant d'une parenthèse enchantée. Quelques heures pour se dire «être ensemble» même si le mari finira par dire à sa femme: «Ne reviens plus car cela fait mal.» Entouré de bâtiments, la réalisatrice a choisi ce décor de Marseille, puis de Paris flanqué d'immeubles froids pour évoquer le travail de ces hommes émigrés, qui, au lieu de rentrer chez eux pour reconstruire leur pays ont choisi un jour de partir loin pour bâtir d'autres pays, d'autres vies qui sont loin d'être roses et tout de repos. Paris la Blanche qui fait écho à Alger la Blanche a fait le choix d'aller à l'envers en évoquant l'impossible retour au bercail et la douleur de ces hommes incompris qui, après des années de sacrifices, quelque chose vient de mourir en eux indubitablement. Avec affection la réalisatrice parvient dans ses plans à restituer pourtant ce cadre chaleureux qui assure le retour à l'équilibre du noyau familial, même si cela n'est qu'un leurre. «Je te ramènerai en Kabylie pour revoir tes enfants de n'importe quelle façon», dira la femme à son mari. Nous savons très bien que bien souvent ces vieux émigrés reviennent dans le cercueil...Film triste, Paris la Blanche se veut malgré tout optimiste ayant su démontrer que l'amour parvient à dépasser le poids des années et surtout aime dépasser les frontières...Dans un autre registre pas très éloigné est le court métrage Timoura de Azzedine Kasri. Un film qui met en scène, une fois n'est pas coutume, la quête identitaire d'un père qui, lui, prendra le chemin du retour avec son fils pour retrouver son père en Algérie. Ceci intervient tout de même, faut-il le souligner, après que ses papiers de résidence ont expiré et qu'il est recherché par la police. Cette fuite sera le prétexte et l'occasion rêvée pour retourner en Algérie et revoir sa famille. Avec comme acteur principal Un Franco-Tunisien, à savoir Hichem Yakoubi, le film évoque le retournement d'une situation impromptue qui s'avère salutaire à la fin. Car passer du désir d'aller aux USA, pour conduire sur la route 66, à marcher sur les pas de ses origines, il n'y a aucun pas imaginable. Il sera pourtant franchi haut la main. Aussi, Azzedine Kesri interroge dans ce film où le plan prend la mesure de la vitesse au détriment de la réflexion, la nécessité ou pas de revenir vers les siens, vers les valeurs simples comme l'hospitalité et la charité musulmane, qui semblent se perdre. Ainsi, la miséricorde humaine est au coeur des films des RCB, lesquels témoignent encore une fois de leur exigence certaine vers le choix d'une palette de films qui donne à questionner, surtout quel rapport voudrions-nous entretenir et bâtir avec l'Autre et en fonction de quel mode de vie, en étant attaché ou pas à ses racines. Enfin, il est bon de souligner qu'un réseau national des cinés-clubs a été proclamé mardi dernier. Le réseau se réunira à Mascara probablement avant la fin de l'année. Cela fait suite à la rencontre regroupant de nombreux ciné-clubs algériens avec d'autres maghrébins ceux de la Confédération tunisienne des ciné-clubs dont l'action multiforme sur le terrain tunisien n'est plus à prouver depuis des années et ce, que ce soit en diffusant des films, organisant des ateliers et mieux des festivals! «Rassembler et échanger les différentes expériences», tel a été l'objectif tracé par l'association Project'Heurs de par cette belle initiative.