Resté tabou pendant des années, la France nourrit un regain d'intérêt pour le passé historique de l'Algérie qu'elle tentera de fixer par l'image... La France s'empare de l'histoire de l'Algérie, cette année, de manière massive. Pas moins de trois films de cinéma seront tournés au cours de cette année. Preuve s'il en est que la reconnaissance de la torture et des génocides commis et perpétrés sur des Algériens arrive à bon port. Une page faite dans la douleur qu'on exhume pour peut-être l'exorciser. En effet, Nuit noire d'Alain Tasma sur un scénario de l'historien, écrivain et documentariste Patrick Rotman, relate cette tragédie du 17 octobre 1961 à travers une flopée de personnages pris dans la tourmente. 30.000 Algériens sans armes, hommes, femmes, enfants quittent les bidonvilles pour manifester à Paris. La police ouvre le feu, plus de 11.000 sont arrêtés. Le lendemain, des cadavres flottent dans la Seine. Après plus de 40 ans, on ose enfin mettre à l'écran l'horreur et en parler sans tabou. Réalisé pour Canal +, ce film qui sort le 19 octobre dans les salles de cinéma en France a été acheté par le Brésil et le Canada, où il a été présenté au festival de Toronto. Hormis des documentaristes chevronnés comme Alain Vautier et Yves Boisset, le cinéma n'a jamais osé bien explorer cette page de notre histoire nonobstant peut-être Pontecorvo avec La Bataille d'Alger. «Pour la première fois, le cinéma s'empare de cette histoire. Il y a eu tabou, il y a eu amnésie, il y a eu volonté de tourner une page de l'histoire, de l'arracher», dit Patrick Rotman. Florent Siri, le réalisateur de Nid de guêpes entamera au début de l'an prochain dans le sud du Maroc, le tournage de l'Ennemi intime avec Benoit Magimel (prix d'interprétation au festival de Cannes pour La pianiste) et Albert Dupontel sur scénario de Patrick Rotman. Le film raconte «l'inexorable broyage dont va être victime un jeune lieutenant, confronté aux horreurs de la guerre et à la violence de tous côtés, son renoncement et son acceptation». Mon colonel est un autre film qui plaide contre la torture avec un va-et-vient entre 1958 et la fin des années Mitterrand. Ecrit par Costa-Gavras et jean-Claude Grumberg, ce film sera tourné en Algérie et en France par Laurent Herbier dont ce sera le premier long-métrage. L'équipe de tournage se déplacera à El Eulma (ex-Saint-Arnaud), près de Sétif. Et la production enchaînera dans la foulée le tournage à la mi-mai, à Skikda de Cartouches gauloises que Mehdi Charef, a lui-même écrit sur ses souvenirs d'enfant de 12 ans, deux mois avant l'indépendance de l'Algérie. La France se repentit-elle de ses crimes?