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Le bon et le moins bon d'un salon
BALADE DANS LES RAYONS
Publié dans L'Expression le 10 - 11 - 2018

Pour un certain nombre de visiteurs, ce salon était un fiasco
Il y a pavillon et pavillon, certains d'entre eux amassent et remplissent un nombre plus que les autres, la raison est simple, c'est l'«effet» boomerang de l'interprétation de notre patrimoine. C'est ce qui explique cette affluence de catégorie jeune et d'autres vers des livres remontant à l'âge reculé de l'histoire qui a vu la naissance de ce genre de corpus et d'exégèse.
La 23ème édition du Salon international du livre d'Alger (Sila) vit ces derniers jours en termes de «festif» culturel et de manifestation livresque. Ce festival dédié au monde du livre et les belles-lettres est porteur de goûts suaves de la lecture et la problématique de ce que le visiteur de ce salon doit lire à la fois. C'est une espèce d'antagonisme qui se manifeste clairement au milieu de cette «fête» porteuse du message où la culture se veut comme ambassadrice de choix.
Une virée au salon, permet d'avoir une idée sur cette actuelle édition et celles qui l'ont précédée même si les nuances peuvent s'exprimer ici et là. Le déplacement s'est opéré le septième jour de la vie de ce salon international, le beau temps était présent, c'est une manière qui permet aux visiteurs d'affluer en nombre important à cette manifestation.
Le jour du mercredi semble ne pas porter son lot d'apothéose et de «félicité» quant à la manifestation dédiée strictement à cette foire du livre. C'est l'appréciation et le constat qu'on peut faire de cette septième journée du Sila. Il n'y avait pas ce beau monde que nous voyions lors des salons précédents qui causaient même des embouteillages pour accéder à ce sanctuaire et temple de la culture et de la connaissance en général.
A l'arrivée à l'espace réservé à l'exposition des livres par les maisons d'édition, on peut constater le manque manifeste du nombre de visiteurs dans les pavillons réservés pour la circonstance. On peut voir des livres de tous les genres, touchant à des disciplines diverses, mais le visiteur semble ne pas être très intéressé par cette édition où l'on constate l'invasion des livres «anciens» répondant à un référentiel religieux où la biographie et l'exégèse islamique s'imposent avec force dans plusieurs maisons d'édition qui exposent ce «produit» qui selon toute vraisemblance savent bien ce qu'ils font.
Il y a pavillon et pavillon, certains d'entre eux amassent et remplissent un nombre plus que les autres. La raison est simple, c'est l'«effet» boomerang de l'interprétation de notre patrimoine. C'est ce qui explique cette affluence de catégorie jeune et d'autres vers des livres remontant à l'âge reculé de l'histoire qui a vu la naissance de ce genre de corpus et d'exégèse. Parmi les visiteurs il y avait beaucoup de jeunes garçons et de jeunes filles, cette composante et catégorie s'affiche avec une apparence qui renseigne a priori sur des éléments d'une modernité visible et palpable, mais dès que l'occasion se présente pour aborder les aspects relevant du choix et de la sélection des livres, c'est le cas pour beaucoup d'entre eux et elles. Une maison d'édition est fixée à l'entrée du premier pavillon du Sila, un pavillon qui porte le numéro 1, elle est garnie de livres «jaunes», référence et allusion faite aux livres de biographies et de «tafssir al ahlam» et chroniques liées au dogme musulman et ses dérivés. Mais les plus lus et achetés sont ceux qui ont trait à la «géhenne» et les supplices réservés aux impies. Le livre «Ahwal el qiama» et celui du «Adhab el qabre» et autres «livres» versant dans la promesse eschatologique font légion. La curiosité a fait son travail, on a essayé d'être plus près de ces jeunes pour comprendre et avoir une idée sur ce choix par rapport à des livres qui parlent du châtiment, de «tafssir al ahlam» et de «Ahwal el qiama». Un jeune bien habillé, ses cheveux sont coupés à la manière des vedettes du foot, il s'appelle Azzedine, 22 ans à peine, ne sait pas parler aisément l'arabe, il a préféré parler en français avec nous, mais c'est un français qui est usité par les jeunes d'aujourd'hui où l'on constate le mélange de tout, y compris le dialecte. Azzedine est un étudiant en master, à l'université de Bab-Ezzouar, il suit son cursus en science de la terre filière géologie. A propos de son choix orienté vers des livres à l'image de «Ahwal el qiama» et de «Adhab el qabre» il répond avec certitude et un ton sûr que «je n'étais pas trop porté sur ma religion, j'ignorais les choses qui parlent du paradis et de l'enfer. On m'a conseillé de lire ces livres pour bien comprendre c'est quoi le châtiment et «Al akhira». Je veux avoir une conduite d'un vrai musulman pour être en accord avec ma religion», C'est une réponse claire et nette d'un jeune universitaire en géologie. Quant à son amie Kenza, une jeune fille bien maquillée, aux cheveux carrés et bien coupés, ne portant pas le «hijab», pour ainsi dire, c'est une fille moderne de par ce qu'elle porte comme vêtements et de par son apparence et son look. Pour Kenza, le livre «qui parle de la Tradition musulmane est préféré pour moi. Je dois tout de même me préparer à la vie conjugale. Je dois apprendre dès maintenant comment doit se comporter la femme musulmane et qu'est-ce qu'elle doit faire à son mari comme l'exige notre religion», et d'enchaîner que «je me prépare à porter le 'hijab'', c'est une décision qui devrait se faire en ayant quelques connaissances par rapport à ça», a rétorqué Kenza. Le phénomène a pris de l'ampleur surtout par rapport aux livres qui traitent de l'«exorcisme» et de la «rouqia char'iya». Le cas du livre de Belahmer fait des émules auprès de notre jeunesse au masculin comme au féminin. Son livre «el 3ilaj bi rouqia» a vu une queue gigantesque de ceux qui voulaient bénéficier d'une dédicace de ce livre. Belahmer a supplanté l'écrivain Rachid Boudjedra qui faisait sa vente-dédicace de son livre «Les contrebandiers de l'histoire» n'affichait pas autant de monde. Ce qui est remarquable dans la 23 ème édition du Salon international du livre d'Alger, c'est l'absence des livres qui abordent les questions qui fâchent et qui remettent en cause les idées reçues et les stéréotypes en vogue pour des raisons propres aux orientations idéologiques et politiques. Hormis le monde de la littérature qui s'est distingué par quelques livres en phase avec la création littéraire, surtout par rapport à notre propre littérature nationale, l'ensemble des maisons d'édition qui ont participé dans ce salon n'ont pas fait dans l'audace pour exposer des livres problématiques qui secouent la conscience et les mentalités via des thèmes tournés résolument vers la modernité et la pensée critique.
Les maisons d'édition européennes se sont distinguées par l'étalage des disciplines littéraires et ce qui a trait à la littérature comme sciences et approches à l'image de la sémiotique, la linguistique, la critique littéraire et bien sûr le genre qui s'est imposé comme étant le roi du monde littéraire, à savoir le roman. Quant aux maisons d'édition qui ont opté pour la propagation du genre lexical, le constat se fait sentir de visu. Les visiteurs ne sont pas trop portés sur les encyclopédies, les dictionnaires et le lexique. La célèbre maison d'édition Hachette exposait son produit dans ce genre sans susciter l'engouement escompté.
Le livre parascolaire s'est substitué aux autres livres à portée intellectuelle et de connaissance. Le salon a «grouillé» d'enfants accompagnés de leurs parents dans le but de se procurer des livres ressemblant aux manuels scolaires, mais avec une version plus propédeutique et pédagogique à la portée des bambins. Seul l'Office de publications universitaire (OPU) était côtoyé par des étudiants et universitaires où les livres spécialisés et techniques étaient disponibles sur les étalages réservés à l'OPU même si les prix étaient très élevés par rapport au précédent salon selon les témoignages et les avis exprimés par les concernés. Le Salon du livre de cette année a vu aussi des stands de certains pays désertés carrément par les visiteurs. C'est le cas des pays du Golfe en général et l'Arabie saoudite en particulier. Leurs stands affichaient une absence criarde. La 23 ème édition du Sila n'a pas apporté des surprises que beaucoup d'amoureux du monde livresque attendaient. Pour un certain nombre de visiteurs, ce salon était un fiasco.


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