«En perdant mon père, Djanet a perdu sa carte d'identité nationale», avoue son fils Nebil. A l'occasion de la commémoration du 43e anniversaire du recouvrement de la souveraineté sur la Radiodiffusion télévision algérienne, la Radio nationale, la Télévision algérienne et la Télédiffusion algérienne (TDA), à leur tête respectivement Benhamadi Zouaoui, Abdelmalek Houyou et Hamraoui Habib Chawki, ont organisé, jeudi soir, à la Coupole du complexe olympique Mohamed-Boudiaf, un gala dédié à la mémoire du défunt Othmane Bali, chantre de la musique tindie. Aussi, placée ainsi sous le double signe de la commémoration, cette soirée a voulu marquer dans le recueillement et la sobriété un retour vers l'authenticité et la tradition. En présence de personnalités triées sur le volet, notamment les acteurs fétiches du feuilleton télévisé qui a reçu un grand succès, El Badra, dont Mohamed Adjaïmi, le gala s'est décliné en une succession de miniconcerts de 20 minutes, animés par des troupes des différentes régions du Sud algérien. Ils étaient accompagnés du crépitement de feu projeté sur plusieurs télés placées dans l'arrière-fond de la scène. Sur les côtés, deux écrans géants permettaient de se replonger dans l'univers mystique de feu Othmane Bali, exécutant son répertoire comme s'il ne nous avait jamais quittés. C'est la troupe Ahl Lil de Timimoun qui entamera la soirée avec ses chants religieux avant de céder la place à une autre troupe folklorique venue de Tindouf. Mais entre un miniconcert et un autre, le champ est cédé au maître de la soirée, Athmane Bali, parti trop tôt emporté par la crue torrentielle survenue, il y a quatre mois dans sa région natale Djanet. C'est avec un pincement au coeur qu'on s'efforce à regarder l'image de cet homme qui n'est plus. Et la troupe de Tindouf Houl Khira Belekhal d'entonner La tensa hadi leyla el djamila. Un homme et une femme se lèvent et dansent sous les quelques youyous du public. Lala Fatma et ses « filles » s'amènent sur scène, bendir et tambour battant. Les Zafanat de Béchar font nourrir ce feu allumé à l'occasion de cette veillée ramadanesque. Le gnawi chante Sidi Moulaya et invoque le Seigneur et le Prophète. Et c'est l'arrivée de Nebil Bali, son jeune fils qui a choisi de suivre les traces de son père pour perpétuer l'oeuvre de son artiste de père, médecin des âmes. Pour que le patrimoine reste et ne se perde pas. En tamachek langue des gens du Sud, en l'occurrence les touaregs, il interprétera tour à tour les chansons phares de son père, Djanet, El kaf oua noune, Amine Amine. Rencontré en aparté, Nebil nous confiera la difficile épreuve à laquelle il est aujourd'hui confronté: «Cela a été difficile de prendre la décision. Mon père m'a transmis la sensibilité musicale. Je souhaite hisser ce qu'il m'a légué et pouvoir la rehausser comme il l'a portée. On va essayer de maintenir le flambeau.» Et Houda, fille aussi d'Othmane Bali, d'indiquer: «La musique c'est un don dans la famille. Mon père est décédé en chahid. C'est l'affaire de Dieu et on ne peut que l'accepter.» Pour l'anecdote, Nebil nous raconte la trame du morceau Leghli Djanet qui veut dire j'ai fait le tour de Djanet. «Mon père a écrit ce titre suite à un événement qui lui est arrivé. La chanson raconte que quand son instrument s'est cassé, il a fait le tour de Djanet pour trouver du poison à même d'en finir avec sa vie, car ne supportant pas se séparer de son luth». Le clou de la soirée, ce fut la troupe Ferda de Béchar qui a fini par embraser la salle, poussant même HHC et ses houris, les demoiselles de l'accueil, à se presser pour quelques pas de danse en bas de la scène. La troupe, comme à l'accoutumée, fera un tabac en louant et invoquant Cheikh Ben Bouziane. Un lâcher de ballons suivra tandis que le reste des musiciens des différentes troupes traditionnelles, robe et chèche sur la tête, se donneront à leur tour à la danse. La fête retrouvait enfin son essence, tandis que planait dans la salle l'esprit d'Othmane Bali, dont le fils nous avouera que sa disparition fera perdre ses repères à Djanet. «Il était notre carte nationale, notre identité.» Notons que des albums de Ferda de Béchar et d'Othmane Bali sortiront d'ici à quinze jours aux Editions Belda. Nek Alloua est un des textes écrits par Nabil Bali, racontant son quotidien. Gageons qu'il sera à la hauteur des espérances de son père. Adieu l'ami Othmane.