Ce n'était que des mots, des verbes, mais leur magie faisait le reste. C'est ça le mythe Aït Menguellet. Le vétéran de la chanson kabyle s'est produit dans la soirée de jeudi à la Maison de la culture de Béjaïa devant une salle pleine à craquer, à tel point que beaucoup de spectateurs n'ont pu suivre le concert que debout, adossés aux murs latéraux ou assis à même le sol. Le geste des organisateurs qui ont ajouté des dizaines de chaises dans le cadre réservé aux familles s'est avéré insuffisant, vu le nombre important de fans que compte l'artiste dans la région de la Basse-Kabylie. Fidèle à lui même et malgré la fatigue, Lounis Aït Menguellet fera une entrée triomphale sur scène. Il était là. Comme d'habitude, rien n'a changé du tableau qu'il offrait à chacune de ses visites à Béjaïa. La silhouette toujours droite, le pied sur une chaise, le genou supportant la mandoline, la même coupe de cheveux, la moustache. Lounis est resté intact tel que le public de Béjaïa l'a connu l'an dernier, même la tenue était quasiment la même, chemise et pantalon noir. Le chanteur se lance alors dans son répertoire pour livrer ses ordonnances, ses conseils et sa lumière. Ralliant le vieux et le neuf, Lounis bercera de ses mélodies des centaines d'admirateurs, jeunes et moins jeunes , hommes et femmes, venus des quatre coins de la wilaya pour écouter parfois dans un silence religieux le poète dire. Ses chansons nouvelles ou anciennes n'ont rien perdu de leur sens, de leur saveur et de leur pertinence. A chacune d'elle, c'est autant de souvenirs qui refont surface, pour beaucoup de ses 70 Louiza, c'est Arezki dans le coin qui retenait mal ses larmes. Et oui! ce jeune qui approche la quarantaine attristé par l'absence de Dida, celle qui a volé son coeur ici même lors d'un autre gala animé par Djamel Allam. Comme lui, chacun avait une histoire liée avec les chansons de Lounis qui dans le domaine sentimental, qui dans celui du combat pour la vérité, l'identité. Ce n'était que des mots, des verbes, mais leur magie faisait le reste. C'est ça le mythe Aït Menguellet. Pendant plus de deux heures, il a su tenir en haleine plus d'un millier de personnes présentes dans la salle. Pas un bruit, pas un souffle, tout le monde écoutait le chanteur et l'orchestre. Lounis est doté d'une voix forte, profonde et claire, qui va de pair avec la musique débarrassée du sempiternel synthétiseur qui brouille voix et musique. Les chansons de Lounis sont lourdes de sens et, souvent, elles ne se prêtent pas à la danse et le chanteur, pour changer d'ambiance, enchaîne parfois sur des morceaux engageants pour inciter les jeunes à danser mais c'est compter sans le manque d'espace. D'un âge avancé, des spectateurs sont venus plutôt pour écouter. Malgré cela, ils en ont eu pour leur argent. D'ailleurs, à la fin de la soirée, les spectateurs n'arrêtaient pas de répéter: «Il nous a régalés!» Comme chaque chose a une fin, forcément, la magie qui avait entouré le récital de Lounis Aït Menguellet allait s'estomper avec la fin de l'événement. Mais deux heures durant, le plaisir était à son comble. On en redemande déjà.