Une finale et une grande polémique Sur les réseaux sociaux, la colère était palpable face à la décision, jeudi, de la Conmebol, l'instance du football sud-américain, de faire jouer la finale le 9 décembre prochain au Santiago-Bernabéu, le stade du Real Madrid. Jouer la finale de la Copa Libertadores à Madrid, au pays des anciens colons d'Amérique latine: le sentiment d'humiliation était fort vendredi chez les footballeurs et supporters argentins, après la décision de déplacer le match Boca-River en Espagne. Sur les réseaux sociaux, la colère était palpable face à la décision, jeudi, de la Conmebol, l'instance du football sud-américain, de faire jouer la finale le 9 décembre prochain au stade Santiago-Bernabéu, le stade du Real Madrid. Des internautes n'hésitaient pas à rebaptiser le championnat sud-américain, équivalent de la Ligue des Champions en Europe, en «Copa Conquistadores de América» (Coupe des conquérents, en opposition à la Coupe des libérateurs). Le 24 novembre, le pays attendait avec impatience son «match du siècle», le superclassico entre les deux grands rivaux, clubs les plus titrés d'Argentine. Mais le jour-J, le bus de l'équipe de Boca Juniors a été la cible de caillassage de la part de supporters ultra de River Plate à quelques encablures du stade Monumental de Buenos Aires où devait être jouée la finale. Le capitaine de Boca, Pablo Perez, blessé à l'oeil gauche, étant dans l'incapacité de jouer le lendemain, le match a finalement été reporté. Le match aller s'était terminé sur un nul 2-2, sans incident au stade de la Bombonera, de Boca Juniors. Pour les deux camps de supporteurs, ces violences sont une forme de revanche après l'élimination de Boca en 8es de finale de la Copa en 2015, lorsque les supporters du club avaient lancé des gaz lacrymogènes sur les joueurs de River, un match qui s'était soldé par un nul 0-0. La Conmebol avait finalement donné la victoire à River qui s'était imposé 1-0 au match aller. «Pourquoi on accepte si facilement que ce match ne soit pas joué en Argentine? On nous vole le football argentin. Ceux qui sont punis, ce sont les 60.000 spectateurs qui ont attendu» dans le stade pour voir le match, analyse le site du journal Tiempo Argentino. Pour le quotidien sportif Olé, tout le monde est perdant. «River a perdu, Boca a perdu, le pays a perdu la possibilité de vivre une fête et nous avons perdu les supporteurs: on nous a enlevé l'illusion, l'envie, l'enthousiasme». «Le football est en deuil», a écrit Alan, 32 ans, sur les réseaux sociaux, sous une photo représentant un ballon dégonflé ceint d'un bandeau noir. Comme toujours, la légende Diego Maradona est intervenue dans le débat. «Si un supporter et sa famille souhaitent assister au match, comment peut-il payer pour l'emmener à Madrid?», a-t-il déclaré. Mais cela ne semble pas être un obstacle pour certains. L'ambassadeur argentin en Espagne, Ramon Puerta, a déclaré à la chaîne TyC Sports que «deux compagnies aériennes avaient vendu tous leurs billets en trois heures». Le prix pour assister à la finale était toujours inconnu. Il pourrait se situer entre 100 et 300 dollars. Les «barrabravas», ces hooligans qui sont la plaie du football argentin, vont-ils faire le voyage en Espagne? «Il serait surprenant qu'ils ne viennent pas en grand nombre, des deux côtés», prédit le sociologue Jorge Valdano, également ancien joueur. Le directeur techique du Real Madrid, l'Argentin Santiago Solari, a déclaré que c'était «un honneur de pouvoir clôturer en beauté une finale aussi compliquée», mais a regretté «les raisons qui ont amené à déplacer le match à un océan de distance». «Des coeurs ont été brisés», a-t-il ajouté. Le terrible constat de Gabriel Batistuta Légende du football argentin et mondial, Gabriel Batistuta (49 ans) n'en croit pas ses yeux. L'ancien attaquant (78 sélections pour 54 buts) dresse un terrible constat de l'état du football dans son pays, alors que la finale retour de Copa Libertadores doit normalement se tenir au Santiago Bernabéu à Madrid. «River-Boca au Bernabéu. La Superliga sans calendrier. La sélection argentine avec un projet de six mois. Nous ne pouvons pas être complices de l'agonie du football argentin.» Ce message sonne comme un crie du coeur. Faut-il encore qu'il soit écouté et entendu.