Le Sénat est né dans une conjoncture de transition douloureuse, le terrorisme battait son plein, les institutions étaient quasiment exsangues. L'introduction de la chambre haute, le Conseil de la nation (Sénat) dans les annales politiques du pays, a coïncidé avec un contexte politique particulier, voire délicat même. C'était une période où les institutions de la République faisaient face à une sérieuse menace de dislocation et de leur remise en cause en tant qu'instruments en mesure d'assurer le maintien des équilibres institutionnels sans que cela n'hypothèque la pérennité de l'Etat. Pour ainsi dire, il s'agissait dans cette époque chargée d'événements tumultueux avec la montée de la déferlante intégriste islamiste de mettre en place des mécanismes constitutionnels qui s'assimilent à des contre-pouvoirs. Le but était de parer à des dangers visant la déstabilisation des institutions républicaines et leur dislocation. Le système bicaméral a vu le jour dans les pays développés sur la base de lévolution de la démocratie occidentale et aussi pour mettre des garde-fous au régime présidentiel et ses pouvoirs régaliens. Cette espèce d'expérience parlementaire est propre aux systèmes anglo-saxons visant le renforcement et le maintien, voire la consolidation de la monarchie constitutionnelle comme c'est le cas pour la Grande-Bretagne. Le Conseil de la nation algérien est né dans un contexte diamétralement opposé à l'histoire du bicaméralisme dans son berceau d'origine. Le système algérien a emprunté le mécanisme en tant qu'artifice juridique dans le but de consolider les contre-pouvoirs et permettre aux institutions constitutionnelles d'exercer leur pouvoir en dehors des perturbations politiques que le Parlement monocaméral, c'est-à-dire à une seule chambre qui constitue la structure législative du Parlement. La révision de la Constitution durant la présidence de Liamine Zeroual avait introduit un nouveau mode parlementaire à deux chambres et c'est de là que la pratique politique légale commençait à s'arrimer au nouveau mode opératoire qui coupe court avec l'ancienne pratique où l'élection législative directe et par suffrage universel détermine les contours d'une majorité. Cette mesure permettrait à la pratique politique et institutionnelle d'être à l'abri des clivages et des situations susceptibles d'enrôler l'Etat dans des crises politiques majeures. Le Sénat est né dans une conjoncture de transition douloureuse, le terrorisme battait son plein, les institutions étaient quasiment exsangues. Le processus politique et électoral a été remis sur les rails, c'est ce qui a permis à une espèce de transition de parachever l'édifice institutionnel et engager des réformes politiques. Pour la première fois dans l'histoire parlementaire de l'Algérie indépendante, un levier aussi «redoutable» détient la force d'applicabilité de facto face à d'éventuelles risques et crises majeures en rapport avec les équilibres institutionnels de l'Etat. Il s'agit de la «trouvaille» du tiers bloquant. Ce levier peut sauter tous les verrous en place qui constituent une menace à la Sécurité nationale et aux institutions de l'Etat. Depuis la mise en oeuvre de la chambre haute, c'est-à-dire le Conseil de la nation et à nos jours, il y a des voix qui s'élèvent: Celles des spécialistes en droit constitutionnel qualifiant le Conseil de la nation d'entrave au processus démocratique. Ces spécialistes estiment que le fonctionnement transparent du Parlement et de son autonomie émanant de la représentativité dûment acquise via le suffrage universel est tronqué. Cet héritage politique et institutionnel est considéré comme un mode hybride par les juristes en la matière, il est surtout dépouillé de sa sève de législation et budgétivore par-dessus tout. Ce système ne reflète pas la culture parlementaire et politique algérienne, dans la mesure où ses prérogatives se heurtent à la prééminence de la chambre mère, à savoir l'«historique» Assemblée populaire nationale. Certes, le Sénat vient d'avoir quelques attributions qui vont dans le sens de légiférer et d'avoir le droit de regard et non pas la consultation uniquement sur des questions qui ont trait aux thèmes relevant des dossiers propres aux territoires. Cette prérogative a été incluse dans la nouvelle Constitution qui a connu des amendements en 2016. Mais l'avis est à la dissolution de ce «monstre» institutionnel qui a vu le jour dans un contexte qui n'est plus d'actualité, surtout que les débats sur les enjeux majeurs se font par rapport aux garde-fous qu'impose la Loi fondamentale. La Constitution répond à ce genre de situations qui pourraient entraîner l'Etat dans la boue ou le replonger dans les scénarios comme ceux des années 1990.