Y a-t-il un pilote dans l'avion libyen? La question se pose car l'adage qui dit combien l'appareil est menacé quand s'y trouvent plusieurs commandants de bord sied à merveille à la situation du pays voisin. Depuis 2011, une division de fait existe entre les trois régions que sont la Tripolitaine, la Cyrénaïque et le Fezzan. Mais à cette déchirure viennent se greffer de nombreuses rivalités entre tribus, milices et factions prétendument politiques. Une seule chose est sûre, dans un tel contexte, les groupes terroristes sont, en Libye, comme les poissons sont dans l'eau et, parmi eux, le groupe autoproclamé Etat islamique ou, si l'on veut, Daesh a montré, ces derniers temps, combien sa force de nuisance demeure encore intacte. Au bout du compte, s'ajoutent d'autres maux, avec l'existence de mouvements rebelles tchadiens et autres qui surfent, non sans une certaine allégresse, sur des frontières en théorie imperméables, mais dont l'élasticité pose, malgré tout, quelques problèmes. C'est ainsi qu'hier, la France a annoncé avoir «frappé» toute une colonne armée venant de la Libye, opération effectuée, ajoute Paris, «en appui de l'armée tchadienne». Ladite colonne composée de 40 pick-up serait une des cohortes de l'Union des forces de la résistance (UFR), selon son propre porte-parole Youssouf Hamid, interrogé depuis Libreville. Lequel a adressé un avertissement indirect en affirmant que «la France prend un tournant dangereux» dans la région avec une telle immixtion dans les «affaires intérieures» de son pays. Toujours est-il que le recours aux Mirage 2000 de l'armée de l'air française est donné comme concluant car il a «permis d'entraver cette progression hostile et de disperser la colonne» qui «s'infiltrait profondément en territoire tchadien», indique le communiqué du ministère français des Armées. La présence de la force militaire française au Sahel, baptisée Barkhane et basée à N'Djamena, n'a pas l'air de rassurer complètement le président tchadien Idriss Déby qui s'est rendu en Israël puis a accueilli, avec beaucoup de chaleur, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dont il attend, sans détours, qu'il contribue avec force à la sécurité du régime. Dans cette région désertique du Tibesti où foisonnent différents groupes terroristes prêts à en découdre pour sauvegarder leurs fructueux trafics en tous genres, la moindre étincelle peut être à l'origine d'un retour de flamme particulièrement dangereux. Or ce qui s'apparente à un règlement de comptes entre tchadiens (l'UFR est toujours dirigée, depuis 2008, par Timane Erdimi, neveu d'Idriss Déby et, tout comme lui, membre de l'ethnie des Zaghawa, présente au nord-est du Tchad) peut soudain se transformer en une vague terroriste brutale, au détriment de la Libye, mais également des pays voisins.