Le cinquante cinquième anniversaire du bombardement par l'aviation des forces d'occupation françaises du village tunisien de Sakiet-Sidi-Youssef situé sur la bande frontalière algéro-tunisienne sera commémoré vendredi prochain. Le 8 février 1958, journée de marché hebdomadaire, l'aviation de guerre française bombarde le village d'habitude paisible qui abritait à l'époque des réfugiés algériens que la guerre avait poussé à l'exode. A la suite de ce bombardement, une centaine d'Algériens et de Tunisiens sont tués, dont 12 femmes, 20 enfants et plus de 130 blessés, plusieurs infrastructures civiles et des moyens de locomotion de la Croix rouge internationale détruits. Le bombardement a été précédé de provocations de l'armée coloniale française ciblant le village pour avoir servi de lieu de refuge aux blessés et invalides de la Guerre de libération algérienne, la première provocation ayant eu lieu début octobre 1957, date à laquelle Sakiet-Sidi-Youssef a été une première fois la cible d'une agression des troupes françaises qui s'étaient octroyées, en vertu d'une loi, le droit de poursuivre les révolutionnaires algériens à l'intérieur même du territoire tunisien. Une deuxième agression a visé cette même localité le 30 janvier 1958 après qu'un avion français eut été la cible de l'Armée de libération nationale (ALN), suivie du bombardement barbare du 8 février 1958, précédé de 24 heures d'une visite dans l'Est algérien du ministre résidant en Algérie, Robert Lacoste, en poste depuis 1956. Les personnes ayant vécu cette agression se rappellent toujours les dégâts causés par le nombre impressionnant d'obus largués par les avions français qui n'ont pas épargné non plus les infrastructures de la Croix rouge internationale chargées d'aides humanitaires destinées aux réfugiés algériens. Après plus d'un demi-siècle du crime horrible perpétré par l'armée coloniale française, la tragédie est restée intacte dans les esprits de ces moudjahidine de l'ALN qui ont vu des écoliers de Sakiet-Sidi-Youssef tomber sous les obus, ou des réfugiés criblés de balles alors qu'ils fuyaient vers la forêt. Selon le témoignage de Abdelhamid Aouad président d'une association, l'attaque de l'aviation française faisait suite au procès de quatre soldats français jugés par l'ALN dans la base de l'Est "en toute équité et conformément au droit de la guerre, alors que l'occupant français avait soumis les combattants algériens à toutes sortes de tortures", a fait remarquer M. Aouad. Les témoignages du délégué de la Croix rouge et de ses assistants qui ont mis à nu le caractère odieux et abject de ce crime ont amené même les alliés naturels de la France comme la Grande-Bretagne et les Etats-Unis à se solidariser avec les victimes. Les ambassadeurs de ces deux pays se sont d'ailleurs rendus sur place pour constater l'ampleur des destructions et des dégâts occasionnés, et ce, en présence de journalistes étrangers, lesquels ont alerté l'opinion publique. Découvrant le caractère fallacieux des allégations françaises, l'opinion publique internationale s'est montrée solidaire avec la cause algérienne, notamment suite à la révélation par les médias internationaux des terribles destructions subies par le village en raison du bombardement et de l'ampleur des pertes humaines déplorées des deux côtés tunisien et algérien. Pour le chercheur en sociologie politique Mohamed Taibi, les évènements sanglants de Sakiet Sidi-Youcef ont renforcé le soutien du peuple algérien, toutes catégories confondues, à la révolution et au Front de libération nationale (FLN) et son attachement à la revendication de l'indépendance en dépit des moyens de répression mis en oeuvre par les forces d'occupation françaises pour faire avorter la révolution et isoler le peuple des moudjahidine. Ce crime dans lequel le sang algérien et tunisien se sont mêlés pour un même objectif, celui de la liberté et de la dignité, n'a fait que consolider les liens de fraternité et de solidarité entre les deux peuples, a-t-il dit. Pour que ce crime reste gravé dans les mémoires des générations qui se succèdent, des commémorations sont organisées tous les ans dans la ville de Sakiet Sidi-Youcef à la mémoire des martyrs de cette agression odieuse. Il s'agit également à travers ces commémorations de mettre en exergue la lutte commune et les sacrifices consentis par les peuples tunisien et algérien pour le recouvrement de leur liberté et de leur dignité.