Si la hiérarchie politique a été respectée, les résultats annoncent une nouvelle donne dans la région. La Kabylie est-elle en phase de reconfiguration stratégique de sa carte politique? La question mérite d'être posée aujourd'hui à la lumière des résultats officiels des élections partielles tenues ce jeudi. Même si la hiérarchie politique a été plus ou moins respectée, avec l'arrivée en tête des deux partis de l'opposition, réputés très ancrés dans la région, en l'occurrence le FFS et le RCD, force est de constater que ces élections s'annoncent comme le prélude d'une nouvelle ère dans la région, avec la montée remarquable du Front de libération nationale qui se positionne comme un sérieux rival, l'offensive des indépendants, le retour du RND et l'entrée en lice du PT et du Mouvement de l'entente nationale. La première conclusion qu'on peut tirer de ce scrutin, c'est ce léger recul du Front des forces socialistes qui a mené pourtant une campagne électorale sur tous les fronts. Le parti d'Aït Ahmed confirme néanmoins sa présence dans cette région en raflant 27 communes à Tizi Ouzou et 22 à Béjaïa, mais a perdu des poches électorales qui lui sont restées jusqu'à jeudi dernier totalement acquises et ce, à l'image d' El Kseur, de l'APC de Béjaïa et d'Aïn El Hammam, le village du président du parti, qui s'est prononcé pour le RND. En somme, le premier parti de l'opposition a cédé à la faveur de ces élections, cinq communes à Tizi Ouzou et 4 à Béjaïa. Le RCD revient, pour sa part, à la gestion des communes après trois ans d'absence. Il est en deuxième position à Tizi Ouzou en remportant 19 communes et 139 sièges et troisième à Béjaïa avec 7 communes et 72 sièges. La surprise est venue du FLN qui a marqué un bon score, en remportant 6 communes à Béjaïa et 9 à Tizi Ouzou. L'ex-parti unique qui a mené une véritable campagne de proximité a su charmer un lectorat réputé pour être très hostile aux discours officiels. Et pour cela, tous les militants du parti ont été mobilisés. Des députés, des ministres, mais aussi les membres du secrétariat national ont fait le déplacement en Kabylie dans la tentative de renouer avec la population. Ces derniers ont prôné un nouveau discours adapté à la conjoncture politique du pays et aux défis auxquels fait face la régions sans démagogie et sans promesses politiques sans lendemain, le staff de la campagne du FFS a surtout orienté son discours vers les questions du développement local de cette région épuisée par les années de crise. Des volets qui seront pris en charge, selon la direction du parti, durant le mandat de ses élus. Il faut dire que si les deux partis de l'opposition sont en tête en termes de communes gagnées, le jeu est très serré au niveau des APW où aucun parti n'a pu avoir la majorité absolue. A Tizi Ouzou et à Béjaïa, le FFS a remporté respectivement 15 et 18 sièges, mais il est suivi de très près par le FLN avec 11 et 7 sièges. Ce qui laisse une marge de manoeuvre très sérieuse à la formation de Abdelaziz Belkhadem dans la gestion locale. C'est le cas pour les deux communes de Boumerdès où le FFS, le FLN et le RCD se sont partagés la majorité des sièges. Plus que jamais, les indépendants ont imposé leur présence durant ce scrutin. Les résultats réalisés par ces derniers imposent une lecture très sérieuse sur l'échiquier politique en Kabylie. La montée des indépendants consacre-t-elle cet écart qui ne cesse de s'élargir entre les citoyens et les partis politiques ? Ce que l'on peut confirmer aujourd'hui, c'est que les indépendant sont classés deuxièmes à Béjaïa avec 11 communes et troisièmes à Tizi Ouzou avec 8 communes. Il est vrai que ces derniers partent avec cet avantage de n'appartenir à aucune classe politique, ni au sein du pouvoir, encore moins dans l'opposition qui a eu d'une manière ou d'une autre à gérer la crise dans la région. Le RND, pour sa part, s'est félicité du score obtenu, qui reflète, selon le communiqué parvenu à notre rédaction et signé par le porte-parole du parti, « la bonne santé » de la formation du chef du gouvernement. Concrètement le RND a obtenu 8 sièges en Kabylie et a réussi à placer 117 élus contre 31 durant les élections de 1997 où il n'avait remporté aucune commune. Le parti vient en ex æquo à Bouira avec de 2 communes contre 1 seule pour le FFS. Contrairement à ses deux alliés, le MSP est sorti, sans surprise, grand perdant de cette course. Le PT, quant à lui, continue doucement mais sûrement sa percée en remportant 5 sièges dans l'APW de Tizi Ouzou. Aussitôt les résultats annoncés, le RCD et le FFS, pour justifier les résultats des uns et des autres, ont dénoncé «les tentatives de fraude et les manoeuvres de l'administration en faveur des partis du pouvoir». Des déclarations loin de susciter la surprise. Il faut dire que ces deux formations ont déjà exprimé ces mêmes craintes durant la campagne électorale. Mais force est de constater que cette lecture s'ébrèche face au taux de participation faible enregistré dans ces deux wilayas, avec 34,59% et 31,35% à Tizi Ouzou. Autrement dit, ces deux partis, pourtant très présents dans la région, n'ont pas réussi à mobiliser la majorité de la population. Cette réponse sans ambages des citoyens, ne pourra faire l'objet d'aucune remise en cause. La population a fait un choix. En Kabylie, la balle semble être plutôt entre les mains des partis politiques que de l'administration.