Un défi pour ce pays de 190 millions d'habitants Pour la présidentielle d'aujourd'hui au Nigeria vont s'affronter le président sortant Muhamadu Buhari, flanqué du vice-président Yemi Osinbajo, son rival Atiku Abubacar, aidé de son vice-président potentiel Peter Obi. Le président sortant brigue sa propre succession et sera le candidat du Congrès des progressistes (APC). Premier opposant à remporter un scrutin présidentiel depuis l'avènement de la démocratie, l'ancien général, malgré son âge - 76 ans -, incarnait le changement et inspirait la confiance au moment de son élection en 2015. Muhammadu Buhari, ancien dirigeant pendant les dictatures militaires des années 1980, de réputation austère et droit, serait intransigeant avec les corrompus et sans pitié avec les jihadistes, selon ses promesses. Sa présidence aura été ternie, dès le début de son mandat, par sa lenteur à former son gouvernement et par les inquiétudes sur ses capacités physiques à gérer un pays de 190 millions d'habitants. En quatre ans, le vice-président Yemi Osinbajo a fait du chemin. Cet inconnu du grand public est devenu un leader populaire particulièrement apprécié de la jeunesse nigériane. A 61 ans, il est d'une personnalité affable et plutôt joviale. Originaire du pays yoruba (sud-ouest du Nigeria), il fut à la fois avocat et pasteur évangélique, après des études à l'université de Lagos et à la prestigieuse London School of Economics. Surtout, le président Buhari a trouvé en lui un allié fidèle. M. Osinbajo a évolué très tôt dans un milieu de décideurs et possède un réseau important: sa femme et la mère de ses trois enfants n'est autre que la petite-fille du père de l'indépendance nigériane, Obafemi Awolowo. Atiku Abubakar, ancien vice-président pendant huit ans (1999-2007), connaît mieux que personne les rouages de la politique nigériane et veut se placer comme le candidat favori du secteur privé et des jeunes. Il est réputé être l'un des hommes les plus corrompus du Nigeria. Il a pourtant remporté la primaire du Parti populaire démocratique (PDP), le principal parti de l'opposition, en octobre dernier. A 72 ans, ce scrutin est sa quatrième tentative d'accéder à la présidence. Qualifié «d'opportuniste» par beaucoup, il a changé à chaque fois de parti politique pour pouvoir s'engager dans la course. Polygame, avec plus d'une vingtaine d'enfants, Abubakar est considéré comme un homme du Nord, mais après une carrière aux douanes, notamment à Lagos, la capitale économique, il a tissé un important réseau dans le Sud. Enfin, Peter OBI se présente comme étant le candidat de l'opposition. La candidature de Peter Obi, ancien gouverneur de l'Etat d'Anambra, peut apporter le soutien du sud-Est marginalisé et calmer les sentiments sécessionnistes qui s'expriment contre le pouvoir central d'Abuja depuis des décennies. L'ethnie igbo, à laquelle il se rattache, s'est toujours sentie rejetée par l'élite politique, et beaucoup réclament encore l'indépendance. Peter Obi, 57 ans, est un homme politique nigérian «typique», avec des activités économiques dans le secteur bancaire, dans les brasseries et sur le marché boursier. Mais sa réputation d'incorruptible est un atout imparable pour le PDP, aujourd'hui dans l'opposition. Obi a même déclaré un jour avoir la même montre depuis 17 ans et porter des chaussures valant moins de 50 livres (57 euros). Une grande différence avec «Atiku», son jet privé et sa Rolex. Ce fervent catholique, marié et père de deux enfants, a une soeur aînée religieuse et un frère cadet prêtre. Organisation titanesque, tensions sécuritaires, achat des voix,... les élections d'aujourd'hui au Nigeria s'annoncent être un véritable défi pour ce pays de 190 millions d'habitants, qui s'était présenté en 2015 comme un exemple démocratique en Afrique. Le 14 février, fête de la Saint-Valentin qui marquait le dernier jour de la campagne pour la présidentielle et les législatives, l'émotion était forte.