Une partie de la droite française n'a pas digéré l'indépendance de l'Algérie. Il est bien rare qu'une majorité parlementaire se déjuge en abrogeant purement et simplement une loi qu'elle avait adoptée quelques mois auparavant, bien qu'un seul article de cette loi soit visé - ici en l'occurrence il s'agit de l'article 4 qui recommande de vanter le rôle positif de la colonisation, en particulier en Afrique du Nord, dans les programmes scolaires. Et le groupe UMP, majoritaire à l'assemblée nationale française, n'a pas failli à cette règle, même si d'aucuns avaient espéré qu'il y aurait pour une fois une exception. Le coup de théâtre n'a pas eu lieu, et c'est donc sans surprise aucune qu'on a appris le rejet par le parlement français de la proposition faite par le parti socialiste, les communistes et des membres du parti libéral UDF, de modifier cette loi, notamment son article 4, qui recommande, entre autres, d'accorder à l'histoire et aux «sacrifices des combattants de l'armée française issus de ces territoires, la place éminente à laquelle ils ont droit». Après discussion générale, la proposition a été rejetée par 183 députés (contre 94), suivant en cela les voeux du gouvernement, exprimés par le ministre français délégué aux Anciens combattants, Hamlaoui Mekachera. Que faut-il en penser, sinon que cette majorité parlementaire, qui fait encore partie de la génération qui a mené la guerre l'Algérie, va traîner encore pendant longtemps cette casserole et cette vision réductrice des nouveaux rapports qui doivent s'établir entre l'Algérie et la France, basés sur le devoir de mémoire et la reconnaissance par l'ancienne puissance coloniale des méfaits du colonialisme, qui a été destructeur dans tous les domaines. Ce sont pourtant des milliers d'intellectuels et membres de la société civile en France qui avaient organisé un rendez-vous grandiose pour dénoncer le caractère passéiste et revanchard d'un texte de loi jugé inadapté à la nouvelle donne géopolitique. L'historien Claude Liauzau a été l'initiateur d'une pétition adressée au ministre français de l'Education nationale de ne pas imposer une modification des programmes scolaires en France à la lumière de la loi du 23 février. Une partie de la droite française n'ayant pas digéré l'indépendance de l'Algérie, on peut en déduire que les relations entre les deux pays ne seront assainies que d'ici deux ou trois générations, sur cette question de la lecture de l'histoire du moins. Pourtant, à y regarder de près, on voit bien que l'Algérie a fait un pas considérable en direction de la conclusion d'un traité d'amitié entre les deux pays, en particulier par la présence de l'Algérie aux différentes rencontres de la francophonie, ce qui n'est pas pensable avant l'avènement du président Abdelaziz Bouteflika., depuis le sommet de Beyrouth en 2001. Alors même que sur le plan économique, les indicateurs montrent bien que la France reste notre premier fournisseur et notre troisième client. Commentant cette loi, le chef de l'Etat algérien avait dit qu'elle représente une cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme. Intervenant au cours des débats, le ministre délégué français Hamlaoui a déclaré pour sa part que cet article «n'est pas normatif. Il est purement déclaratif. Il laisse, de ce fait, aux responsables de l'enseignement la mission d'élaborer les programmes». Quant à François Rocheboine du groupe UDF, il a déclaré qu'«il ne relève pas de la compétence des législateurs de vouloir gommer les aspects de la colonisation». Pour sa part, le député communiste François Liberti estime qu'on ne peut occulter les méfaits du colonialisme. Reste à savoir maintenant s'il est toujours possible d'envisager la signature d'un traité d'amitié entre la France et l'Algérie, qui risque de ne plus voir le jour, en dépit de la déclaration du président français Jacques Chirac qui a réitéré son espoir à Barcelone de parvenir à la signature du traité. En l'état actuel des choses, la balle est dans le camp du gouvernement français.