Le chef du groupe l'Etat islamique en Afrique de l'Ouest (Iswap), faction des jihadistes de Boko Haram actif dans le nord-est du Nigeria, a été mis à l'écart et remplacé par un nouveau leadership, selon des experts et des sources sécuritaires. Depuis début mars, un enregistrement audio en haoussa circulait sur les réseaux sociaux, annonçant qu'un «nouveau gouverneur» avait été choisi pour remplacer Abou Musab Al Barnaoui, fils du fondateur de Boko Haram adoubé en 2016 par le groupe Etat islamique (EI). La Force multinationale mixte (Tchad, Cameroun, Niger, Nigeria) engagée dans la lutte contre Boko Haram dans le bassin du lac Tchad l'a confirmé le week-end dernier: «des sources fiables indiquent qu'une crise interne a provoqué un changement de leadership». «Iswap a annoncé le limogeage de l'ancien chef (...) et la nomination d'Abu Abdullah Ibn Umar Albarnawi», affirme le communiqué faisait état d'offensives militaires d'envergure en cours contre les jihadistes. Le nom «Al-barnawi» et ses variantes orthographiques proviennent de l'expression arabe signifiant «l'homme du Borno», la région du nord-est du Nigeria foyer de l'insurrection jihadiste qui a fait plus de 27.000 morts et forcé 1,8 million de personnes à se déplacer en 10 ans. Si les experts et sources sécuritaires estiment «très crédible» la thèse de ce remplacement, l'identité de ce nouveau chef supposé fait débat. Le sort du jeune Abou Musab Al Barnaoui, âgé d'une vingtaine d'années, reste également un mystère. «Est-il vivant ou mort? Connaissant le fonctionnement de Boko Haram, il est peu probable qu'un chef destitué soit autorisé à se déplacer librement», estime une source sécuritaire sous couvert d'anonymat. Al Barnaoui et Mamman Nur, son ancien bras droit plus expérimenté, qui était considéré comme le véritable chef d'Iswap, avaient pris leurs distances en 2015 avec le leader historique de Boko Haram, Abubakar Shekau, jugé trop brutal envers les civils musulmans, et spécialisé dans les pillages de masse et les attentats-suicides. Depuis, les deux dissidents à la tête d'Iswap - adoubés par l'EI en août 2016 - avaient au contraire privilégié les attaques ciblant les forces de sécurité nigérianes, multipliant en 2018 les assauts dévastateurs contre des bases militaires dans le nord-est. Mais ce leadership «modéré» était de plus en plus contesté en interne et Nur a été assassiné en août 2018 par des lieutenants plus radicaux. Après l'enlèvement d'une centaine d'écolières à Dapchi en février 2018, il s'était notamment vu reprocher d'avoir négocié et gardé pour lui la présumée rançon versée aux jihadistes en échange de leur libération. Contrairement à la scission de 2016, lorsque la faction Al Barnaoui avait été reconnue par l'EI au détriment de Shekau via ses canaux habituels de propagande, le tout récent changement à la tête d'Iswap n'a cette fois suscité aucune réaction.