Erdogan est mobilisé sur plusieurs fronts L'opposition a accusé l'AKP de chercher à faire diversion et de tenter de «gagner du temps». M. Imamoglu a ainsi hélé ses adversaires: «Ne laissez pas trois ou quatre personnes qui se comportent comme des enfants dont on aurait pris les jouets saper la crédibilité de la Turquie.» Dans un contexte régional des plus incertains, la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan est préoccupée en ce moment par les soubresauts du scrutin des municipales qui a vu le parti islamo-conservateur quelque peu ébranlé dans ses ex-fiefs, à savoir la capitale Ankara et le joyau du chef de l'Etat, Istanbul. Les autorités électorales turques ont entrepris hier de recompter les votes au niveau de plusieurs districts d'Istanbul, à la demande de l'AKP, donné perdant dans cette ville, mais qui a du mal à accepter le résultat. Cette décision va s'exercer dans huit des 39 districts d'Istanbul, sur la base des recours déposés mardi par le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur), selon le président du Haut-comité électoral (YSK) Sadi Güven. L'opération va, a-t-il justifié, concerner essentiellement les bulletins comptabilisés comme nuls. Cela étant, l'AKP n'est pas complètement groggy, loin s'en faut puisqu'il arrive en tête du scrutin avec 51% des suffrages mais le signal ainsi donné par les électeurs d'Ankara et d'Istanbul est ressenti comme un avertissement sérieux au moment où le pays traverse une véritable tempête économique faite de récession, la première durant la décennie, d'une inflation à hauteur de 20% et d'un chômage accru. Pour l'AKP, l'élection a été entachée d' «irrégularités flagrantes», arguant du fait que de nombreux bulletins ont été déclarés nuls à Istanbul alors que, selon le parti d'Erdogan, ils seraient parfaitement valables. Il faut dire que 300 000 voix ont été estampillées nulles alors que l'écart entre le candidat de l'AKP et celui de l'alliance tissée par M. Imamoglu. Les instances locales du YSK au niveau des districts concernés ont jusqu'à aujourd'hui pour examiner ces recours, la loi électorale prévoyant que des appels seront encore possibles jusqu'au 10 avril prochain. L'opposition a accusé l'AKP de chercher à faire diversion et de tenter de «gagner du temps». M.Imamoglu a ainsi hélé ses adversaires: «Ne laissez pas trois ou quatre personnes qui se comportent comme des enfants dont on aurait pris les jouets saper la crédibilité de la Turquie», les a-t-il exhortés. Quant au commentaire du porte-parole du Département d'état américain Robert Pallatino invitant le parti d'Erdogan à «accepter les résultats d'élections légitimes», il a déclenché la réponse acerbe du porte-parole du président turc Fahrettin Altun, qui a demandé aux gouvernements étrangers de «s'abstenir de prendre des mesures qui pourraient être comprises comme une ingérence». De là à dénoncer une cabale, il n'y a qu'un pas, vite franchi par les journaux proches de l'AKP qui avancent la thèse d'un «complot» contre la Turquie, en comparant le résultat des municipales à la tentative de putsch de 2016. En toile de fond à ces confrontations internes, la question des S400 que la Russie va livrer cet été à la Turquie continue d'empoisonner les relations entre les deux alliés au sein de l'OTAN. La Turquie ne renoncera pas à acheter le système antimissiles russe S-400, malgré les pressions des Etats-Unis qui ont suspendu la livraison à Ankara d'équipements liés à leurs avions de chasse F-35, a ainsi averti hier à Washington le chef de la diplomatie turque. «C'est une affaire conclue et nous ne reviendrons pas en arrière», a déclaré Mevlut Cavusoglu lors d'une conférence en marge d'une réunion pour fêter les 70 ans de l'Otan. En écho, la réponse du chef par intérim du Pentagone Patrick Shanahan se veut teinté d'optimisme. «J'ai eu plusieurs conversations avec le ministre de la Défense turc, Hulusi Akar, et je suis convaincu que nous allons arranger les choses avec nos partenaires stratégiques», a-t-il affirmé à la presse. «Je pense que nous allons régler le problème de façon à ce qu'ils aient les équipements de défense adéquats avec les Patriot et les F-35», a annoncé M. Shanahan, en recevant au Pentagone son homologue mongol Nyamaagiin Enkhbold.