Ankara est à l'écoute de Téhéran Ankara a fini par reconnaître, de manière non explicite, l'existence, déjà amorcée, de contacts «à bas niveau», dit-elle, avec le gouvernement syrien. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a reçu hier le chef de la diplomatie iranienne Javad Zarif, venu l'informer de la teneur des discussions qu'il a eues à la faveur de l'audience accordée la veille par le président syrien Bachar al Assad.. «Je me suis entretenu très longuement avec le président Bachar al-Assad. Je vais rendre compte au président Erdogan de cet entretien», a déclaré le MAE iranien Javad Zarif, dont les propos étaient traduits en turc par une interprète officielle, lors d'une conférence de presse avec son homologue turc Mevlut Cavusoglu, tenue quelques instants avant qu'il ne soit reçu par le président turc. On sait qu'Ankara a rompu ses liens avec le gouvernement syrien dès le début de la crise, en 2011, au moment où le conflit prenait de plus en plus d'ampleur, ce qui a conduit la Turquie à s'engager résolument aux côtés des groupes islamistes rebelles qui cherchaient et cherchent toujours, d'ailleurs, à renverser le gouvernement syrien en place. Mais en février dernier, prenant acte de l'évolution considérable de la situation en Syrie où les Kurdes des Forces démocratiques syriennes relevant des YPG veulent imposer leur autonomie, voire leur autodétermination au nord du pays, soutenus par la coalition internationale et par les Etats-Unis, le chef de l'Etat turc a constaté la nécessité de modifier quelque peu sa stratégie. C'est ainsi que Ankara a fini par reconnaître, de manière non explicite, l'existence déjà amorcée de contacts «à bas niveau» avec le gouvernement syrien. Quant à l'Iran, chacun sait qu'il est, avec la Russie, un des principaux alliés du régime syrien dans la guerre civile qui ravage le pays. Ces deux pays parrainent, avec la Turquie, le processus dit d'Astana visant à trouver une issue négociée à la crise qui perdure. Pendant des années, le président Erdogan recourait sans cesse aux mots les plus durs pour attaquer le président al Assad, qu'il a, à maintes reprises, qualifié d'«assassin». Mais sa rhétorique a changé de jour en jour, au cours de ces dix derniers mois. «En Syrie, depuis le début, sur le terrain, nous ne sommes pas d'accord avec l'Iran sur de nombreux sujets», a voulu rappeler le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, hier. «Mais, nous avons décidé de coopérer avec l'Iran en vue d'une solution politique». C'est ainsi qu'une nouvelle session de pourparlers entre l'Iran, la Russie et la Turquie est prévue les 25 et 26 avril prochains, à Astana, au Kazakhstan, en vue d'évaluer les progrès du processus éponyme qui connaît quelques difficultés, comme dans la province d'Idlib. Celle-ci a accueilli plusieurs milliers de combattants islamistes rebelles et les groupes terroristes dominés par Hayat Tahrir al Cham, ex-al Nosra, branche syrienne d'al Qaïda. Un délai avait été consenti par Moscou, au lendemain du sommet de Téhéran entre les trois pays qui parrainent le processus d'Astana, en vue de «neutraliser» toutes les factions armées. Mais le délai d'octobre 2018 s'est achevé sans que la situation n'évolue d'un iota sur le terrain. Depuis octobre dernier, en outre, Hayat Tahrir al Cham multiplie, au fil des mois, les attaques et les attentats contre l'Armée arabe syrienne et ses alliés russe et libanais (Hezbollah), aussi bien dans la province d'Idlib que dans les provinces voisines de Homs et d'Alep. Une situation qui perdure et que Damas considère comme proprement inacceptable.