L'accord est salué par les manifestants Dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, hâtivement installé aprés le départ du chef du Renseignement, en fin de compte démissionnaire, le Conseil militaire a bravé les menaces de l'Union africaine qui avait condamné le putsch et exigé la remise du pouvoir à une autorité civile. C'est un pas important qui a été franchi par les Soudanais, hier, après plus de quatre mois de manifestations contre la hausse brutale du pain puis contre le régime du président Omar el Béchir, au,pouvoir depuis trente ans. En effet, selon la déclaration effectuée par Ahmed al Rabia, un membre de la délégation représentant les contestataires aux pourparlers engagés avec l'armée soudanaise, un accord a été conclu après d'intenses consultations «pour déterminer quel pourcentage du conseil de transition sera dévolu aux civils et combien aux militaires». Il faut savoir que le mouvement a durci ses revendications ces dernières semaines, rejetant catégoriquement la décision intervenue après la démission contrainte et forcée de Omar el Béchir d'instaurer un état d'urgence et un conseil militaire de transition. Soutenus par la communauté internationale ainsi que par les Etats-Unis, les manifestants ont déclaré nulle et non avenue cette solution, exigeant la mise en place d'un «pouvoir civil» auquel devaient être transférées toutes les prérogatives du conseil de transition. L'accord conclu porte donc sur un partage des responsabilités et les discussions se poursuivent pour déterminer la composante de la future instance dans laquelle siégeront civils et militaires, peut-être en parité. Aucune information n'a encore été donnée à ce sujet tant que les consultations n'auront pas abouti à une issue mutuellement acceptée. Toujours est-il que l'annonce d'un accord considéré ces jours derniers comme hautement improbable entre les dirigeants de la contestation et les chefs de l'armée soudanaise ouvre la voie à une sortie de crise dont s'est félicité, lors de sa première réunion, un comité conjoint regroupant les représentants de la contestation et ceux du Conseil militaire de transition, actuellement au pouvoir. C'est là une avancée considérable pour les manifestants mobilisés sur la place principale de Khartoum, devant le quartier général de l'armée, et ce depuis le commencement du mouvement déclenché le 19 décembre 2018 pour dénoncer, initialement, le triplement du prix du pain, avant de se transformer en une véritable tempête contre le pouvoir de Omar el Béchir. Une fois celui-ci déposé puis arrêté par les chefs de l'armée, membres du conseil militaire de transition, les manifestants ont décidé de maintenir leur sit-in afin d'arracher le transfert du pouvoir à une autorité civile. Très vite, ils ont ensuite revendiqué l'arrestation et le jugement de l'ancien président et des principaux responsables qui l'ont accompagné depuis ces dernières années. Dirigé par le général Abdel Fattah al-Burhane, lui-même hâtivement installé aprés le depart du chef du Renseignement en fin de compte démissionnaire, le Conseil militaire a bravé les menaces de l'Union africaine qui avait aussitôt condamné le putsch et exigé la remise du pouvoir à une autorité civile et il a écarté pendant des semaines tous les appels à cette solution, y compris ceux adressés par la communauté internationale. Mais les démissions successives des principaux membres du Conseil militaire ont eu raison de cette intransigeance. Mercredi dernier, en effet, trois des dix membres dudit Conseil ont à leur tour jeté l'éponge sous la pression constante des manifestants, rendant inéluctable la volte- face intervenue en faveur d'une instance collégiale entre les civils et l'armée. Il était temps pour un Soudan exsangue, avec près de 40 millions d'habitants, amputé des trois quarts de ses réserves pétrolières au lendemain de la sécession du Soudan du Sud en 2011, après des années de guerre et de massacres. L'économie du pays aura indubitablement pâti de cette crise à laquelle il va falloir trouver des réponses démocratiques. Heureusement, à Khartoum, on y croit plus que jamais.