Cette ville martyre, haut lieu de la révolution et de toutes les étapes qui y ont conduit, abrite aujourd'hui une rencontre historique pour débattre de la situation politique que traverse le pays. Le destin est un metteur en scène hors pair. Celui de Kherrata est tout simplement prodigieux. Cette ville martyre, haut lieu de la révolution et de toutes les étapes qui y ont conduit abrite aujourd'hui une rencontre historique pour débattre de la situation politique que traverse le pays. Elle réunira des figures historiques de la guerre de Libération nationale, des personnalités de l'opposition et des universitaires. De la poudre d'intelligence! Djamila Bouhired, Lakhdar Bouregaâ, Mustapha Bouchachi, Karim Tabbou, Louiza Ait Hamadouche, Fodil Boumala, Smail Lalmas, Nacer Djabi et Ghafir Mohamed... se sont donné rendez-vous à la salle de cinéma de la ville de Kherrata. Ils tiendront une conférence pour débattre et échanger sur la répression sanglante qui s'est abattue sur les Algériens qui manifestaient pacifiquement pour le droit à l'indépendance et la période de crise politique que traverse actuellement le pays. Le choix n'est guère fortuit. L'Algérie commémore le 74ème anniversaire des massacres du 8 mai 1945. Des manifestations pacifiques en faveur de l'indépendance ont été réprimées dans le sang ce jour-là à Sétif, Guelma et Kherrata. 45 000 Algériens seront assassinés par l'armée coloniale française. Kateb Yacine en gardera un profond traumatisme qui aiguisera davantage l'amour qu'il a porté à sa patrie. «C'est en 1945 que mon humanitarisme fut confronté pour la première fois au plus atroce des spectacles. J'avais vingt ans. Le choc que je ressentis devant l'impitoyable boucherie qui provoqua la mort de plusieurs milliers de musulmans, je ne l'ai jamais oublié. Là se cimente mon nationalisme.», écrira l'auteur de Nedjma. Une blessure que le temps n'est pas arrivé à cicatriser et qui sera ravivée à un tournant crucial que doit négocier l'Algérie pour sortir de l'imbroglio politique dans lequel l'a plongée la démission de l'ex-président de la République et l'application stricte de l'article 102 de la Constitution. Ce qui s'est traduit par la désignation de l'ex-président du Sénat, Abdelkader Bensalah à la tête de l'Etat pour une période de quatre-vingt-dix jours. Une période durant laquelle doit se tenir une élection présidentielle qu'il a fixée au 4 juillet. Un scrutin rejeté par la majorité des partis politiques, des associations représentant la société civile et le Hirak dont la première étintincelle est partie de Kherrata un certain 16 février 2019 pour se transformer en mouvement de revendication pacifique historique, exceptionnel. Un tsunami qui a fait renoncer l'ancien chef de l'Etat à briguer un cinquième mandat avant qu'il ne soit poussé vers la porte de sortie. Hasard de l'histoire, c'est à Kherrata qui porte encore en elle les stigmates, les affres de la colonisation, qu'il sera question de l'avenir de l'Algérie. Les femmes et les hommes qui s'y retrouveront dans cette citadelle de la révolution auront à coeur de trouver une issue à l'impasse politique dans laquelle le pays a été engouffré. Le premier jet de la nouvelle page de l'Algérie indépendante, de la naissance de la II République pourrait provenir de Kherrata, forteresse indomptable et farouche opposante à un système dont la fin est programmée. Sa mise à mort pourrait être proclamée à Kherrata.