Au crépuscule de leur vie, Ali Yahia Abdennour, Ahmed Taleb Ibrahimi et Rachid Benyelles n'ont qu'un seul but: construire la nouvelle Algérie. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. L'Algérie de 2017 n'est pas celle de l'après-22 février. La donne a changé. Bouteflika n'est plus président, mais l'objectif n'est toujours pas atteint. Les Algériens qui manifestent chaque vendredi par millions pour l'avènement d'une nouvelle République n'arrivent toujours pas à trouver un terrain d'entente avec le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, qui, depuis l'entame de la crise dans le pays, est le maître des horloges politiques. Le général de corps d'armée tient au strict respect de la Constitution alors que le peuple exige le départ de tout le système, même si pour cela il doit mettre la Loi fondamentale entre parenthèse et vivre une période de transition. Hier et face à ce blocage qui n'a que trop duré, un nouvel appel au dialogue est lancé. C'est celui de trois personnalités qui, comme en 2017, ont décidé de prendre leurs responsabilités politiques et de participer au débat. Ali Yahia Abdennour, Ahmed Taleb Ibrahimi et le général à la retraite Rachid Benyelles ont donc appelé l'ANP à l'ouverture du dialogue. En 2017, ils avaient également lancé un appel à tout le peuple, pour faire barrage au 5ème mandat de Abdelaziz Bouteflika. Dans leur lettre intitulée «Trop, c'est trop», qui avait d'ailleurs déclenché une véritable levée de boucliers, les deux anciens ministres et le général à la retraite Benyellès avaient eu le courage de dire tout haut ce que tout le monde répétait tout bas. Ils avaient alors affirmé que l'ex- président était dans l'incapacité de gouverner et que le pouvoir était donc entre les mains de sa famille et d'une oligarchie qui le détenait en otage et refusait l'application de l'article 102. «(...) le chef de l'Etat actuel, très lourdement handicapé, n'est manifestement plus en mesure de continuer à diriger le pays», avaient écrit les trois personnalités politiques. Taleb, Ali Yahia Abdennour et Benyelles avaient choisi de dire crûment les vérités assurant que l'état d'empêchement de Bouteflika ne pouvait être déclaré en raison «des institutions qui sont aux ordres de ceux qui détiennent véritablement le pouvoir, à savoir l'entourage familial du Président et un groupe de puissants oligarques disposant des richesses du peuple selon leur bon vouloir». L'ancien ministre des Affaires étrangères, le défenseur des droits de l'homme et le général avaient, en 2017 déjà, accusé cette oligarchie d'avoir volé l'argent du peuple et d'avoir dilapidé ses biens. «Ils ont détourné et dilapidé la manne pétrolière sans se soucier de l'avenir du pays» avertissaient ces trois personnalités politiques non sans appeler à l'unisson du peuple et au soutien de «l'Armée qui demeure encore l'institution la moins dépréciée du pays (...) d'accompagner le changement qui s'impose et de participer à l'édification d'une République véritablement démocratique». Au crépuscule de leur vie, Ali Yahia Abdennour, Taleb Ibrahimi et Benyelles n'avaient et n'ont aucune ambition politique ou un quelconque désir d'occuper l'espace médiatique pour faire parler d'eux. Leur but hier et aujourd'hui est d'attirer l'attention de l'opinion publique sur la situation extrêmement préoccupante que traverse le pays, et de contribuer modestement au rassemblement des forces patriotiques afin d'imposer pacifiquement l'instauration d'un régime démocratique.