La déclaration de ces trois personnalités est un réquisitoire contre la gestion du président Bouteflika et un appel aux Algériens pour s'opposer à un possible quatrième mandat. À mesure que l'échéance présidentielle approche, la scène politique s'emballe et les acteurs se positionnent par rapport à la perspective d'un quatrième mandat pour Bouteflika, devenu, hélas, seul enjeu de cette élection qui, pour être en apparence kafkaïenne, n'en est pas moins cruciale pour l'avenir du pays. Trois personnalités politiques ont décidé de rompre le silence pour s'opposer vent debout à la possibilité de voir le Président actuel rempiler eu égard à son état de santé et son bilan. Ali Yahia Abdenour, président d'honneur de la Laddh, le Dr Ahmed Taleb Ibrahimi, ex-ministre des Affaires étrangères et candidat à la présidentielle, en 1999 (il s'est retiré avec les cinq autres qui avaient constaté que les dés étaient pipés par le DRS en faveur de Bouteflika), Rachid Benyelles, général à la retraite et ex-ministre des Transports, ont signé une déclaration fondatrice. Cette déclaration a d'autant plus de poids qu'il s'agit de grosses pointures jouissant au sein de l'opinion nationale d'une grande respectabilité qui leur confère une dimension de véritable conscience. Si maître Ali Yahia Abdenour, du haut de ses quatre-vingt et onze ans, continue d'être présent dans le débat politique, à travers ses contributions régulières dans la presse, son dernier livre-témoignage consacré à deux personnages de l'histoire du Mouvement national, Amar Aït Hamouda et Benaï, le Dr Ahmed Taleb Ibrahimi et Rachid Benyelles ont pris depuis quelques années leur distance par rapport à l'écume politico-médiatique. Et la sortie de ces deux ex-ministres et pas des moindres, après tant d'années de recul, prend aujourd'hui toute sa signification et témoigne de la gravité du moment. Trois personnalités de cette dimension qui signent en effet une déclaration commune, de cette teneur, en ce moment précis, est forcément un acte politique majeur. Cette déclaration, mesurée dans son ton et sans concession quant au fond, est un véritable réquisitoire dont les auteurs égrènent les échecs du Président sortant. À commencer par le viol de la Constitution en 2008 pour s'autoriser à briguer un quatrième mandat. Ce que les trois auteurs de la déclaration considèrent comme "une négation de la République et du sacro-saint principe de l'alternance au pouvoir, une offense à la mémoire de ceux de nos compatriotes qui ont sacrifié leur vie pour l'Indépendance du pays et un mépris pour les citoyens que nous sommes". Dans le prolongement du viol de la Constitution, qui a mis fin à la limite des mandats, les auteurs de la déclaration avertissent : "Bouteflika sera maintenu à la tête de l'Etat, au titre d'une parodie d'élection identique à toutes celles que nous avons connues dans le passé". Comme pour souligner l'absurdité de ce projet, les trois auteurs du document mettent en exergue "l'âge avancé" de Bouteflika "son état de santé déplorable" et surtout son bilan catastrophique, "d'autant plus inexcusable que l'Algérie a connu au cours de cette période une conjoncture exceptionnellement favorable, celle d'une paix civile grâce à la population qui a rejeté l'extrémisme et l'éradication, celle d'une pluviométrie providentielle et celle d'une embellie extraordinaire du cours du pétrole". Maître Ali Yahia Abdenour, le Dr Ahmed Taleb Ibrahimi et Rachid Benyelles se disant simplement mus dans leur démarche collective par "notre devoir devant Dieu et le peuple algérien" dénoncent publiquement ce qu'ils qualifient de "dérives politiques morales inacceptables, de gestion désastreuse des affaires de l'Etat et son immobilisme face au développement du régionalisme, du communautarisme et des forces centifuges qui menacent le pays d'éclatement". Les attendus de ce réquisitoire déclinés, les trois personnalités livrent le verdict. Il est sans appel : "Non au quatrième mandat !" Un rejet assorti d'un appel "aux forces saines du pays, à exprimer leur refus par tous les moyens pacifiques qu'ils jugent utiles" pour rejeter le quatrième mandat et "en cas de maintien de cette candidature, de boycotter massivement le simulacre d'élection que le pouvoir en place projette de tenir". Cette déclaration, de par son contenu et le timing de sa sortie, marque un tournant décisif dans le débat sur la présidentielle du mois d'avril et ne manquerait probablement pas d'encourager, dans les prochains jours, l'expression d'autres positions politiques, dès lors que Ali Yahia, Ahmed Taleb et Benyelles ont cassé le mur de la peur. O O Nom Adresse email