A travers ses ambiguïtés, le ministre essaie de se mettre à l'abri des critiques du courant «islamo-conservateur» Organisée conjointement par le Haut Conseil islamique (HCI) et le ministère de l'Education nationale, la journée d'étude sur la réalité et les perspectives de l'éducation islamique dans l'école algérienne constitue une opportunité intéressante aux fins de connaître les opinions des différentes institutions concernées, de près ou de loin, par la révision des manuels scolaires sur l'éducation islamique. L'allocution de Ghallamallah était marquée par une certaine ambiguïté. Il a tenu, de prime abord, à exhorter les parties n'ayant aucune connaissance en la matière à s'abstenir de se prononcer sur la révision en question. «L'éducation islamique est un sujet extrêmement délicat. Il serait préférable qu'il demeure entre les mains des spécialistes de l'éducation et de la religion», appuie-t-il. Le message était adressé au monde des médias. C'est ce qui nous a été confirmé par le premier responsable du secteur, en marge de cette rencontre. Appelé à donner son opinion sur la révision desdits manuels, le ministère des Affaires religieuses a préféré s'abstenir. «Je ne peux me prononcer sur ce sujet, car j'ignore le contenu des nouveaux manuels», a-t-il déclaré. Ce qui est un paradoxe, sachant que son département fait partie de la commission multilatérale, chargée de se pencher sur l'élaboration des nouveaux programmes. Par ailleurs, il a salué «l'initiative», tout en insistant sur le fait que les précédentes éditions «n'avaient, en aucune manière, servi à produire des intégristes». «Les raisons du terrorisme trouvent leurs origines en dehors de l'école algérienne», estime-t-il. Abordant la question relative à l'intégration de l'éducation islamique dans les programmes de l'éducation civique, telle que prévue par la commission Benzaghou, Ghallamallah n'a pas brillé, là aussi, par sa clarté. Officiellement, il estime que l'appellation compte peu, par rapport aux messages qu'on pourrait transmettre à l'élève. En marge de la conférence, il déclare que «cela ne peut être applicable que pour les élèves des trois premiers cycles primaires». La deuxième thèse évoquée par plusieurs observateurs avérés, laisse présager qu'à travers ses ambiguïtés, le ministre essaie de se mettre à l'abri des critiques du courant «islamo-conservateur» qui, lui, manifeste clairement son refus à toute révision du manuel scolaire. Faut-il rappeler à ce sujet que le travail de ladite commission a été caractérisé, selon les propres dires de Bouamrane Cheikh, président du Haut Conseil islamique, par une forte résistance émanant d'un «courant de position idéologique extrémiste». Ledit courant a tout simplement proposé l'intégration, dans le livre scolaire, de la description de la toilette des morts, pour les élèves. «Les orientalistes nous ont apporté une déformation sur le djihad, ils ne veulent lui donner que le sens de la guerre sainte», affirme, à titre d'exemple, M.Bouamrane. Le HCI semble vouloir se démarquer de ce courant, en appelant à la nécessité «de définir les notions qui sont faussées par tous ces faux islamologues, chez nous ou ailleurs». Parmi ces concepts, on retrouvera le djihad, la violence et la solidarité. Par ailleurs, M.Bouamrane Cheikh estime que la révision du livre scolaire sur l'éducation islamique est une nécessité, mais ce n'est pas suffisant, arguant le fait que les lacunes ne venaient pas seulement des programmes, mais surtout des thèses sous-tendues qui ne sont pas écrites. Comment peut-on réformer quelque chose qui n'est pas écrit? lui avons-nous demandé. «On essaie de réformer le réel, mais nous sommes dans l'incapacité de deviner l'appartenance idéologique de nos professeurs». A ce sujet, le développement de notre système éducatif reste tributaire, selon notre interlocuteur, de l'amélioration de la situation socioprofessionnelle des professeurs, mais aussi de la réforme de tous les programmes scolaires, parce que l'éducation évolue avec les progrès sociaux. «Il n'y a pas de pédagogie ou de méthode en stagnation.» Pouvons-nous comprendre pour autant que le HCI soutient le rapport de Benzaghou ? Le président du HCI s'abstient de toute réponse, en précisant qu'«il attend la publication officielle du rapport». Dans son intervention, le représentant du ministère de l'Education a insisté sur le fait que le rôle de son département est purement technique et éducatif et il dira, en s'adressant au ministère des Affaires religieuses et au HCI, que «vous êtes la référence qui nous guide dans l'élaboration des programmes scolaires pour l'éducation islamique». Doit-on comprendre par là que le ministère de l'Education réfute d'encaisser tout seul les positions critiques des cercles islamo-conservateurs qui stigmatisent la réforme de l'école dans son ensemble?