Des centaines de milliers de personnes sont à nouveau descendues dans la rue, jeudi, en France pour dénoncer une réforme des retraites lors d'une quatrième journée de mobilisation nationale, marquée par des grèves notamment dans les transports. Entamé il y a plus d'un mois, le bras de fer entre les syndicats contestataires, selon lesquels la réforme fera baisser le niveau des pensions, et le gouvernement ne faiblit pas. L'intersyndicale à la tête du mouvement, formée par les syndicats CGT, FO, CFE-CGC, FSU et Solidaires et des organisations de jeunesse, n'entend d'ailleurs pas relâcher la pression: elle a appelé à de nouvelles mobilisations les 14, 15 et 16 janvier. Selon la Confédération générale du travail (CGT), deuxième syndicat de France, près de 1,7 million de personnes ont manifesté jeudi, contre 1,8 million le 17 décembre, lors de la précédente journée de mobilisation. Selon le ministère de l'Intérieur, 452.000 personnes ont défilé à travers la France jeudi, dont 56.000 à Paris. Le ministère avait recensé 615.000 personnes le 17 décembre, dont 76.000 à Paris. Dans la capitale, la CGT a recensé 370.000 personnes dans la manifestation, organisée au 36e jour de grève. «Retraite par points: tous perdants! Retraite à 60 ans: tous gagnants! Macron retire ton plan», proclamait la banderole de tête, derrière laquelle Philippe Martinez, le patron de la CGT, a dénoncé «l'attitude provocatrice» du gouvernement et émis «des doutes» sur la volonté de ce dernier de «discuter». Dans le viseur des manifestants également: le gestionnaire d'actifs américain BlackRock, accusé de vouloir profiter de cette réforme et représenté sous la forme de vautours. A Paris, Gilles Boehm, ingénieur retraité de 70 ans, manifestait contre un projet qui va «créer une retraite de base faible, pour que ceux qui ont les moyens aillent capitaliser dans un fonds privé. Ce qui me tue, c'est la violence et la surdité du gouvernement. Macron n'a que 40 ans mais je n'ai jamais vu un réactionnaire pareil!» Le système de retraite à points voulu par le gouvernement vise à fusionner les 42 régimes existants, dont des régimes spéciaux qui permettent notamment aux conducteurs de train de partir plus tôt. La réforme prévoit en outre d'instaurer un «âge pivot», 64 ans, pour inciter financièrement les Français à travailler au-delà de l'âge légal de départ à la retraite (62 ans aujourd'hui). «Pour nous, personnels de santé, à l'hôpital, comme dans les Ehpad (établissements pour personnes âgées), c'est tout à fait impossible de travailler jusqu'à 64 ans», a déclaré Morgane Henry, 41 ans, dans le défilé à Lyon (centre-est). L'exécutif promet un dispositif «plus juste» mais les opposants redoutent un départ plus tardif et des pensions plus basses. Cette réforme est une mesure phare du président français, qui a jusqu'ici affiché sa détermination à la mener à bien. Depuis le 5 décembre, le mouvement de protestation perturbe principalement la circulation des trains en France et les transports publics en région parisienne. La grève a atteint une durée inégalée en France, dépassant le précédent record de 28 jours consécutifs, en 1986-87. A la compagnie ferroviaire SNCF, le conflit est le plus long depuis sa création en 1938. L'intersyndicale réclame le retrait du projet avant toute discussion. En début de semaine, le Premier ministre Edouard Philippe lui avait tendu la main en proposant une «conférence de financement», suggérée par le leader syndicaliste. Il a invité les partenaires sociaux vendredi pour en parler. Des concessions ont également été faites par l'exécutif à plusieurs corps de métier, comme les policiers, les danseurs de l'Opéra, les marins, les pilotes de ligne... Le trafic était encore perturbé hier, avec 60% des trains régionaux et 4 trains à grande vitesse sur 5 en circulation, selon la SNCF. Les grèves se poursuivent également dans d'autres secteurs.